Quatre ans après l'arrêt de la série des films consacrés à Wong Fei Hung commencée en 1949 avec Story Of Huang Feihong, la Golden Harvest décide de rappeler le vétéran Kwan Tak Hing pour le faire jouer dans son premier film en couleur. Toujours, bien sur, dans le rôle de Wong Fei Hung. Les films de Kung Fu avaient depuis 69/70 connus une véritable révolution. Wang Yu (avec The Chinese Boxer), Bruce Lee (avec The Big Boss et Fist Of Fury) et Chang Cheh (Vengeance ! ou The Boxer From Shantung) avaient redynamisé les codes du genre par l'introduction d'une certaine modernité (technique et thématique) et de l'ultra violence. On est loin des films cantonais de Kwan Tak Hing aux combats très théâtraux et à la moralité confucéenne affichée. Reste que ce dernier conservait une réelle popularité auprès du public et il était fort tentant pour un studio d'en profiter. Ce sera la jeune Golden Harvest qui s'y collera mais, pour ce retour sur le grand écran, la compagnie de Raymond Chow fera tout afin que le film s'inscrive dans le courant actuel des films de Kung Fu.

Cette volonté de rupture (partielle) avec le passé va s'exprimer dans le choix du réalisateur. Ce n'est pas un cantonais derrière la caméra, pas même un Chinois mais un Coréen : Jeong Chang Hwa. Jeong n'était cependant pas un amateur dans le domaine du film d'arts martiaux. Son King Boxer réalisé pour la Shaw Brothers en 1972 avait même été un gros succès international. Pour The Skyhawk, il déploie une mise en scène solide, profitant des paysages Thaïlandais avec savoir faire sans oublier de faire avancer son intrigue avec rythme. Le choix de la Thaïlande pour lieu de l'action fait aussi partie des originalités du film par rapport à la série de films traditionnels. Jusque là, le maître restait toujours à Canton. L'amener dans cet environnement nouveau implique une véritable rupture pour le public habitué aux exploits du vieux maître. C'est aussi une manière de placer le film dans la continuité des films de Kung Fu de l'époque, on pense surtout à The Big Boss tourné aussi là bas. La présence de Nora Miao, dans un rôle complètement inutile, et l'intrigue principale basée sur un conflit ouvrier/patron renforce encore plus la filiation avec le film du petit dragon.

Cette modernisation opérée sur les aventures du vieux Wong Fei Hung ne touche cependant pas la personnalité profonde du maître. Celui-ci continue à prêcher pour une approche modeste des arts martiaux. Le refus de la violence, la volonté de pédagogie et d'apaisement, l'application d'un code moral strict. Des idées que l'on retrouve dés le premier film de la série mais à un état encore embryonnaire et qui gagneront en cohérence avec le temps. Kwan Tak Hing est on ne peut plus rodé dans le rôle de Wong, il exprime ses idées avec conviction et autorité.

La promotion de la non violence n'empêche pas The Skyhawk de fourmiller de combats. Les truands aux ordres de Ku ont encore beaucoup à apprendre des enseignements de maître Wong Fei Hung... Film de 74 oblige, les combats sont entre deux eaux, entre le style début des années 70 (beaucoup de mouvements dans le vent, techniques maladroites) et celui du milieu des années 70 (plus technique et rythmé). Le coté ancien est surtout visible dans les chorégraphies de groupe. On y bouge beaucoup pour pas grand-chose et les méthodes de combat sont simples (coups de poing dans le dos, coups de pieds de face...). Il arrive cependant que la chorégraphie déploie davantage d'intensité et gagne en précision quand un artiste martial de plus grand talent est impliqué. C'est tout particulièrement évident quand Samo est concerné. Par contre, les affrontements un contre un se rapprochent davantage de ce qui sera la norme des combats martiaux quelques années plus tard : Des chorégraphies techniques, exigeantes et très spectaculaires. Ce type d'action est aussi très dépendant de la qualité des interprètes. Le plus impressionnant d'entre eux, c'est sans conteste Wang In Sik. Le maître Coréen a de belles occasions de délivrer ses puissants coups de pieds avec la vitesse et l'énergie qui le caractérise. Ses prestations martiales annoncent, avec un peu plus de 5 ans d'avance, ce qu'il fera pour The Young Master. Carter Wong se révèle aussi très en forme. L'acteur n'a pourtant jamais vraiment brillé au cinéma mais ici il se montre sous son meilleur jour, plus percutant que d'habitude dans les combats et étonnamment charismatique. On ne peut malheureusement pas en dire autant du pauvre Kwan Tak Hing. L'acteur commençait à se faire vieux et Samo recourt abondamment à des doublures ou des techniques de montage pour que le vieil homme conserve de sa superbe. Le choix d'orienter son style de combat sur les esquives et autres contres permet aussi, en partie, de camoufler les difficultés qu'éprouvait Kwan dans les scènes d'action.

Film très agréable, The Skyhawk n'est cependant pas l'œuvre qui met le mieux en valeur le légendaire Kwan Tak Hing. Yuen Woo Ping s'en chargera avec davantage de brio dans The Magnificent Butcher et Dreadnaught.
Palplathune
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le 25 févr. 2011

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