En voilà un étrange film, éprouvant, regardé avec un mélange de rejet et d'adhésion... et qui m'a renvoyé en pleine poire ce sentiment que je me suis tant évertuée à chasser : l'adolescence.
L'adolescence, son mal-être nébuleux, le constant sentiment de ne pas être à sa place, de chercher à se projeter sur un futur qu'on veut brillant et qui n'est qu'incertain. L'adolescence, le piège à regards, celui des autres adolescents, de cette famille qu'on ne comprend, parfois, que par bribes, celui que l'on se jette, entre surprise et incompréhension pour ce corps et cet être qu'on se sent fleurir et dont on ne sait trop que faire.
L'adolescence, et ses mecs cools qui dégagent une assurance qu'on peut leur envier et qui sont pourtant les plus paumés ; ses filles timides, perdues dans leurs univers d'encre et de papier, inconscientes de leur beauté. J'ai aimé détester Sutter et vouloir lui secouer les puces, lui faire comprendre combien lui, qui se croyait si bienveillant en voulant aider une fille bien moins paumée que lui, était en train d'être sauvé par sa douceur. Aimé la lumière du visage d'Aimee, sa douce initiation à l'amour, montrée de manière pudique et juste. Détesté la manière dont l'alcool s'infiltre si facilement dans tous les engrenages, et la façon dont, parfois, le scénario ne fait pas dans la dentelle symbolique, lui qui sait pourtant suggérer avec tant de justesse, entre nonchalance et gravité, le sentiment d'adolescence.
Le film m'a mise un peu chaos, tant il arrive à faire remonter, par bouffées aussi nostalgiques qu'anxieuses, ce que c'étaient que ces années de chrysalide, où l'on apprenait à être soi-même, parfois à travers des oeuvres et, quand on était plus chanceux, à travers des rencontres qui façonnent l'âme (comme ici cet amour, extraordinaire et banal à la fois). Il rend compte de ces oscillations infimes, des moments de compréhension et de bascule où une personnalité se dessine.
Je ne lui mets pas une note plus "haute", sans doute à cause de quelques faiblesses scénaristiques qui brisent cette atmosphère-là, sans doute à cause du mal-être qu'il a su éveiller chez moi (preuve qu'il est réussi).
Mais je le recommande malgré tout : ils sont assez peu nombreux, aujourd'hui, les films d'ados qui, ne méprisant pas cet âge transitoire, parviennent à en rendre la substance (et non pas la connerie...).
(ceci est ma centième critique : pas mécontente qu'elle se construise autour d'un sentiment flottant)