The Square est une œuvre taillée pour la compétition. Des questions existentielles, une dose d’humanisme, un regard cynique sur notre société occidentale et en guise de cerise sur le gâteau, le film est scandinave. Le réalisateur suédois Ruben Östlund avait déjà titillé la section Un certain regard du Festival de Cannes avec son précédent long-métrage, Snow Therapy. The Square se révèle être sa consécration en remportant la Palme d’or.


Confortablement installé dans le palais royal de Stockholm, un musée d’art moderne se prépare à accueillir une nouvelle exposition intitulée The Square dont l’œuvre principale serait un carré de 4 mètres par 4 où tous les individus seraient égaux en droits et en devoirs en son sein. La vision du conservateur du musée, Christian, sur l’exposition va être sensiblement altérée après s’être fait dérober portefeuille et téléphone en portant secours à une jeune demoiselle en détresse.


Les premières scènes du film sont alléchantes. Une statue déboulonnée qui se fracasse sur le parvis du palais royal et l’interview hallucinante de Christian par une journaliste américaine caricaturent de belle manière le monde de l’art moderne. Malheureusement, le réalisateur nous fait rapidement comprendre que l’art moderne n’est qu’un prétexte et un cadre dont les bords de demandent qu’à être supprimés. Le cynisme se répand, englobant tout, noyant notre civilisation sous les clichés maintes fois exploités : l’individualisme, la lâcheté, la pauvreté et l’idée saugrenue, mais dévastatrice, du « avant c’était mieux ».


Jeune quadra dynamique et intelligent, le réalisateur tombe pourtant dans le panneau avec une force et une naïveté désarmante. Son personnage principal, Christian, explique à ses enfants une anecdote de son grand-père. A l’époque, ce dernier partait jouer dans les rues de Copenhague avec un écriteau autour du coup où était indiquée son adresse. A la fin de la séance, Ruben Östlund, confirmera la vision de Christian, estimant qu’auparavant, dans la première moitié du XXe siècle, les adultes avaient confiance les uns dans les autres. Cette confiance était la pièce maîtresse de cette société, naïvement idéalisée, où l’on faisait attention à ses congénères et où la mendicité n’existait pas. Mais quelle bêtise ! Ce qu’oublie de dire Christian à ses enfants, c’est que ces mêmes adultes ont, par souci de leurs prochains, décidé de se faire la guerre et s’éventrer à coup de baïonnette, dénoncer le voisin pour lui piquer sa table basse, crever de faim, gazer des enfants…


Le film se perd en élucubrations, rallongeant les mêmes rouages jusqu’à frôler les 2h30 de scènes. Heureusement, la qualité des acteurs et le formidable jeu de caméra parvient à sauver The Square du naufrage. L’humour grinçant, belle marque de fabrique de ce cinéma scandinave, est habilement distillé.


Se galvanisant dans une nostalgie malsaine et complaisante, The Square possède quelques beaux atouts, mais n’est ni plus ni moins qu’un patchwork formant la terrible autoflagellation dont souffre notre société. Preuve en est, avec cette Palme d’or, que le phénomène ne semble pas près de s’arrêter…

Vincent-Ruozzi
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le 20 oct. 2017

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