Si 120 Battements par minute - film brillant - méritait le Grand Prix, la Palme d'Or de 2017 est contestable. Le dernier film de Ruben Ostlünd est-il le gagnant par défaut de la sélection blafarde de ce 70e Festival de Cannes ? Dans ce long-métrage où le conservateur d'un musée d'art contemporain cherche à mettre en lumière sa prochaine exposition, "The Square", le cinéaste suédois ne parvient pas à hisser son oeuvre au sommet.
The Square est à l'image d'un visiteur non initié à l'art contemporain : il va trouver cela saisissant, étrange voire déstabilisant. Le montage enchaîne les séquences telles des tableaux - voire happenings - aux résultats inégaux. The Square alterne les instants fascinants et d'autres plus ennuyeux, voire assommants. La durée - deux heures et vingt minutes - se fait sentir, si bien que la fin sonne comme une libération, ce film est long et aurait mérité un raccourcissement.
La satire, le cynisme, et l'humour crispant sont au rendez-vous, aucun soucis là-dessus, nous retrouvons la patte du réalisateur de Snow Therapy, l'ennui réside dans son utilisation puisqu'elle cache un scénario bien pâle. Il y a pourtant d'excellentes idées de mise en scène, entre la géniale séquence d'ouverture où notre héros pense déjouer un conflit dans la rue avant de se rendre compte qu'il vient de se faire dépouiller, le tractage de messages dans un immeuble aux éclairages progressifs suscitant une certaine tension ou encore le nettoyage hasardeux et maladroit d'un agent d'entretien obligé de slalomer au sein d'une oeuvre composée de petites montagnes de gravier depuis son véhicule : on passe aisément de la frayeur à l'amusement. Point d'orgue à la scène illustrée par l'affiche du film dans laquelle un performeur incarne un primate - plus vrai que nature - durant une réception jusqu'à mettre à bout l'ensemble des convives, une scène en apesanteur, éprouvante, remarquable.
Pourquoi le reste de The Square n'égale pas cette intensité ?
Côté distribution, il s'agit d'un sans-faute. Claes Bang campe parfaitement ce conservateur de musée désabusé et tiraillé entre ses hautes fonctions et son rôle de père. En portant tant bien que mal le film sur ses épaules, l'acteur procure à The Square l'un de ses rares intérêts en dépit d'un manque de finesse et de situations trop incongrues - et mal pensées - pour qu'elles soient ridicules ou simplement absurdes.
Où se situe la limite ? Jusqu'où peut-on braver l'Interdit ? Telles sont les questions posées par le film, la fameuse séquence de la réception-happening (qui restera gravée dans les mémoires) aurait été une excellente conclusion. Dans cette critique de la société bourgeoise et renfermée sur elle-même, Ruben Ostlünd en fait malheureusement trop.
The Square est une semi-déception.