Ostlund n'a pas la classe italienne de Dino Risi qui raillait avec amour les travers de la société italienne. Il n'a pas la folie Bunuelesque qui bouscule à l'intérieur les êtres, les fait douter d’eux mêmes. Il est plutôt tendance méchante à la Haneke, partage la même froideur clinique que Yorgos Lanthimos, un de ses frères d'armes de la nouvelle génération.
Il utilise les siennes pour mettre à mal ce beau gosse de Christian, conservateur du musée d'art contemporain, toujours à l'avant-garde.D'abord il installe ces situations habituelles où le dominant use de son pouvoir pour obtenir ce qu'il veut du dominé. Menacer un voleur, sauter une journaliste. Emballer un public de son charisme et ses petites astuces de bon communiquant. Avant de s'appliquer à renverser les positions. Le mâle sur la défensive, le bourgeois inquiet de ce que ces sauvages de la jungle des pauvres pourraient lui faire, le type passé au gril de la conférence de presse de crise.
Il obtient le malaise, autant qu'il nous sature. Avec son petit système qu'il le déploie sur plus de de 2h20.
Est-il lui même cet artiste contemporain joué par Dominique West, lui-même acteur du système qu'il dénonce? A qui on a envie de dire,ferme ta gueule! Fous toi à poil, renverse la table, casse toi P'tit con va!
S'il fait appel à l' animalité pour secouer le bouzin, est-ce parce qu'il n'y a plus que ça? Parce que la provoc' facile marche sur le moment, fait le buzz, la preuve... Grattez le vernis de la civilisation...Pour en faire quoi?
Dans ce no mainstream qui joue l'épate et tourne en rond, il y a des moments franchement éclatants.
Éclats de voix. Cri de Révolte. Éclats de rire ( moi devant ce film de sale gosse bourgeois ).
Et puis, parce qu'il est aussi ce Christian/Ruben Ostlund ( tu t' es tapé des journalistes écrivant sur toi ? ) il tente de sauver son soldat. De l'empathie que diable! Sinon à quoi cela sert ce cirque. Vain. Derrière l'utopie du carré blanc, il y a cette tentative timide de le ramener à bon port, du côté des humains, ceux qui font confiance à autrui. Instinctivement. Happy end en demi-teinte, montrant qu'il est capable d'un peu de subtilité cet artiste du marteau-piqueur.
Film à sketch un brin prétentieux, sauvé par son fil rouge. Film de son époque, sur son époque, qui se regarde le nombril et à travers...La société a laissé la place à l'individu et aux foules connectées..Elles ne sont pas si nombreuses les œuvres d'Art qui empoignent avec vigueur cette Réalité contemporaine.
Toni Erdman auquel j'ai pensé moi aussi Sergent, et que je ne citais pas en introduction de mon propos, était une autre histoire, celle d'un être solitaire qui combat pour sortir de sa solitude sa fille, entrer en communication, en empathie. Ce qui manque à Christian/ Ruben pour conquérir notre palme?