Troisième film cette année qui me donne envie d'aller vérifier si le mot, récemment apparu dans la presse, "malaisant" figure bien dans un dictionnaire de français. Ah ben non, tiens, pas du tout, c'est rassurant. Au moins, The Square m'aura-t-il permis d'établir quelque chose de certain. Pour le reste, il donne quand même pas mal de grain à moudre, et son visionnage justifie à lui seul les polémiques qui ont suivi sa Palme d'or. Voilà quand même un film relativement pénible à regarder; d'abord parce qu'il est lent, et prend le temps de poser toutes ces ambiances qui déclinent si efficacement l'idée d'inconfort. Du coup, on a amplement le temps de se sentir bien mal pour ces personnages étranges, avec lesquels il est plutôt difficile d'entrer en résonance. Ils nous ressemblent un peu, suffisamment pour susciter l'intérêt un moment, mais tombent vite dans une exaspérante médiocrité, voire une franche bizarrerie, qui rend leur fréquentation plutôt pénible. Dans la vraie vie, on les perdrait de vue le soir-même. Mais voilà qu'on doit passer deux heures en leur extravagante compagnie, dans leur milieu un peu rance, celui de l'art contemporain. La charge est virulente : ils sont dépeints comme une bande de snobinards fourrés de thune, bourrelés d'une bonne conscience un peu molle, maniant des concepts parfaitement creux, et fondamentalement hypocrites, sans même s'en rendre compte. Des sapiens urbains contemporains et aisés, quoi. Heureusement, la vie, ou plutôt un réalisateur plutôt roué, va les soumettre à rude épreuve pour leur faire toucher du doigt leurs contradictions. Ça nous concerne évidemment tous. Par contre, les situations extrêmes, parfois cocasses, toujours scabreuses, dont nous devenons les témoins récalcitrants et crispés, nous éloignent vite de nos propres repères, comme s'il s'agissait d'une collection de nouvelles horrifiques de Pierre Bellemare, visant à susciter une frayeur dont on sera soulagé de sortir à la fin. Et ça va de mal en pis. Mention spéciale pour cette scène qui a illustré quasiment tous les articles de l'époque : un balaise imitant un grand signe et foutant un câillon épouvantable dans une soirée chic. Mais toutes les autres séquences laissent des souvenirs cuisants. D'où mon malaise à moi : à quoi rime une dénonciation qui utilise les mêmes armes que les scandales qu'elle dénonce ? Est-ce bien convenable ? Genre Natural Born Killers qui brocarde la violence, en somme... Je m'interroge. Au final, c'est certainement ce que le réalisateur cherche, à nous secouer un peu. Pas sûr cependant qu'il aboutisse au débat qu'il souhaitait vraiment susciter. Mais bon, à vous de vous faire une idée, ça vaut quand même le voyage...