La démarche de "The Survivalist" est très appréciable : ne pas en faire trop, voire pas beaucoup, mais le faire bien. Une fois passée l'introduction présentant de manière originale la position du film (deux courbes, la production de pétrole et la population mondiale : la première chute après une longue montée et entraîne inexorablement la seconde dans sa perte, soit le début d'une ère post-apocalyptique dont les contours se préciseront peu à peu), il n'aura de cesse de coller à la réalité basique et très terre-à-terre d'une survie dans de telles conditions. L'homme que l'on suit en est réduit aux occupations les plus essentielles : se nourrir et se reposer. Mais le climat n'est pas à l'agriculture paisible, le danger est omniprésent dans ce monde qui pourrait rappeler, sous certains aspects, "La Route" (dans une version immobile) : on ne fait pas vraiment confiance aux rares étrangers qui peuplent cet univers menaçant et qui croisent notre route.


On devine un budget plutôt serré, mais le film en fait assez habilement un avantage en travaillant cette atmosphère minimaliste, concentrée sur les besoins vitaux. L'ambiance est tendue, austère, grave. Il y a très peu de choses à jeter narrativement parlant, et c'est sans doute là le principal défaut ou plutôt la principale limitation du film : il n'y a pas grand chose d'autre à se mettre sous la dent une fois l'histoire introduite et le semblant de suspense établi. La routine du personnage principal est cependant présentée de manière habile, détaillée, immersive. Les journées sont millimétrées, entre les légumes du jardin et les pièges plus loin dans la forêt. L'arrivée des deux femmes dans ce microcosme bouleverse la donne, et c'est aussi là que le film ne remplit pas forcément tous les alinéas du cahier des charges à la section "réalisme" ou "vraisemblance" (un exemple au hasard : pourquoi prendre le risque de laisser une fille le raser, fusil braqué sur elle, alors qu'il peut très bien le faire tout seul ?). La métaphore du lapin qui échappe au piège pour le bébé qui échappe à l'avortement est aussi bien grossière... C'est une tentative de sophistication plutôt ratée.


Mais la mise en scène sobre et épurée distille une ambiance séduisante, vénéneuse, avec uniquement des personnages assez peu loquaces. Les enjeux sont explicités peu à peu, et quasiment en silence. La fin est un peu décevante (comment n'a-t-il pas eu vent de ce méga-camp que la fille découvre à la fin, en marchant un peu plus loin ?), bien qu'ouverte, et le lien fort qu'elle semble avoir tissé avec l'autre personnage ("If it's a boy.") n'est franchement pas bien travaillé, il est même abracadabrant tel qu'il est décrit. M'enfin. Reste cette ambiance de survie, sans une once d'espoir véritable, focalisée sur la vie au jour le jour dans cet environnement hostile et sur l'utilisation des quelques cartouches restantes.


[AB #133]

Morrinson
5

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le 5 oct. 2016

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Morrinson

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