Il y a tout un univers de rocs et de nuages à l'extérieur, la mer et l'eau de pluie, des tunnels sans issue, quelques falaises à pic, des brins d'herbe dans le vent, des buildings jusqu'au ciel, un monde à contre-jour.
Et nous voilà pourtant confinés dans cette chambre close, entre quatre murs (anachroniques), comme pris dans un étau, tandis que se resserre celui de l'interrogatoire qui oppose trois amis en sécession, trois agents spéciaux d'un genre très spécial décidés à élucider le meurtre d'un être cher, dans un futur aseptisé où la technologie rend toute malveillance impossible.
Car grâce au réseau de nanomachine Tangle, désormais, votre âme est le réseau, c'est le monde tout entier qui est une chambre close, transformant ce crime en mystère de film noir.
Mystère que le spectateur va s'évertuer à élucider en même temps que les protagonistes - si possible avant eux, toujours la même rengaine -, à mesure que les cartes s'abattent et que les masques tombent, révélant des enjeux dont on subodorera d'emblée qu'ils excèdent le seul champ des évidences.
Les amateurs d'action en seront pour leurs frais : ce sont ici les esprits qui s'affrontent pour se percer à jour, entretenant avec talent la tension (redoutable) d'une œuvre qui tient autant du film SF que d'une pièce de théâtre (dans son sens le plus noble).
Avec, à la clé, quelques slams mémorables, qui agaceront ou raviront selon notre rapport aux mots et à l'écriture, servis par les interprétations impeccable d'un casting sans fausses notes (Joshua Bitton est éblouissant, Christopher Soren Kelly impeccable, Jessica Garham bouleversante), portés par la musique stellaire (juste ce qu'il faut) de Liam Fox O'Brien.
On attendait depuis longtemps ce premier long métrage, et pas seulement parce que la situation sanitaire n'a cessé d'en retarder la sortie officielle. C'est que l'acteur-scénariste-réalisateur nous en avait déjà mis plein la vue dans les films de Jamin Winans (11:59, Ink, the Frame) ou le Infinity Chamber de Travis Milloy (le mot charismatique semble avoir été inventé pour lui), et régalé de courts métrages particulièrement prometteurs (Monkeys, I'm Right Here et Chasseur), avec un sens évident de l'image et une poésie poisseuse bien à lui, qui laissait entendre le meilleur pour l'avenir.
L'essai est transformé. Avec des moyens (très) limités et des acteurs quasi-bénévoles, il donne vie par les mots à un univers cyberpunk à la fois novateur et familier, synthétique et à fleur de peau, poussant certains concepts au bout de leur curseur pour les renouveler, enfermant son récit sous le dôme symbolique d'une boule à neige, espace hermétique où nul n'entre et dont nul ne sort (ou si peu), par lequel il concentre tant l'espace que le temps en un huis-clos implacable, humain, élégant et sophistiqué (autant que le sont les mises de ses personnages).
Si bien qu'on sort hanté de cette parabole connectée sur laquelle plane l'ombre de Coleridge.
Through caverns measureless to man
Down to a sunless sea.