La nouvelle de John W. Campbell, « Who goes there ? », arrive finalement à maturité entre les mains d’un maître de l’horreur, qui témoigne d’une bonne endurance et d’une grande patience. Mais John Carpenter, c’est également la force de l’efficacité. Faute de moyens, le metteur en scène négocie le virtuose par une créativité symbolique. Des codes du slasher, qu’il a lui-même lancés avec « Halloween », au succès triomphant de « New York 1997 », en passant par le thriller frileux « Assaut », le cinéaste capture un instant de pureté dans cette chasse aux sorcières. Il nous questionne par la même occasion sur les fondements des caractéristiques humaines. Ce qui nous définit, nous rend-il plus fort, plus crédible ? En lâchant un intrus parmi douze hommes, la quête de vérité sera synonyme de survie, que ce soit pour l’individu ou pour ce qui nous constitue moralement.


Confinés par un climat glacial, cette petite communauté ne se définit sans doute plus par une forme de civilisation avancée. On en vient à compter sur ses instincts et les outils les plus primitifs, comme le feu. Pourtant, la présence hospitalière d’une créature les pousse à raisonner. Et de cette bonne volonté, ce que l’on trouvera rationnel, se transforme en une forme de paranoïa mutuelle. Il ne reste donc plus que des individus, à la solde de leur propre intérêt. La menace doit ainsi être identifiée, mais le réalisateur ne nous laisse pas de temps à nous préparer et nous propulse au plus près des enjeux. L’expérience en vaut la chandelle, car il y aura plus d’un frisson au détour des couloirs glaciaux de cette station perdue, de ce groupe divisé par le doute. La créature ne pouvant se définir par sa forme, ce sera dans le fond qu’il faudra l’appréhender, qu’il faudra l’approcher et qu’il faudra la détruire.


La distinction est sans doute crue chez Carpenter, mais il cherche tout de même quelque chose de profond dans l’antagoniste qu’il décrit. Tout comme pour Michael Myers, le mal est absolu. Pas de nuance donc, pour cette entité qui n’a pas d’autres buts que de répandre la terreur sur son environnement. Les héros sont ainsi dans l’obligation d’affronter la menace, délaissant par la même occasion le statut de proie. Malheureusement, certaines réalités les rattrapent et le collectif s’effondre. Les monstruosités se reflètent d’abord sous une enveloppe humaine, car elle distrait dans sa manière d’évoluer. La mentalité de l’humanité, elle non plus n’est pas définitive et c’est ce que Carpenter utilise à bon escient, afin de confirmer le mal-être de la cohabitation, qu’elle soit inter-espèce ou non. La diversité ethnique, sociale et morale en atteste. Le film tourne constamment un miroir vers le spectateur, attentif et piégé dans ce jeu redoutable et impitoyable, celui qui convoque la matière organique et sa némésis.


Ainsi, qu’on le reconnaisse comme remake ou non, il ne faut pas oublier que cette version de « The Thing », n’a rien à envier à son prédécesseur, « The Thing From Another World, bien au contraire, le réalisateur le respecte. Il s’approprie ainsi des codes qui lui montrent une voix plus symbolique et métaphysique. Qu’il soit question d’une divinité ou d’un fléau incurable, il est question des hommes et de leur place dans l’univers, mais à l’échelle de leur croyance. En espérant ainsi le jugement ou le pardon, chaque personnage révèle que l’hostilité demeure le langage universel, dans les moments de crise et que rien n’y changera. Si l’Homme s’effondre, l’humanité s’éteint, c’est évident. Et le collectif est au centre de toute cette attention. Voilà de quoi bien démarrer la trilogie de l’apocalypse, une bougie à la main et le frisson dans l’âme.

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le 31 oct. 2020

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