Ma crainte, avec tous ces blockbusters passés à la moulinette des effets spéciaux numériques, c'est qu'un jour, les jeunes générations regardent "the Thing", se disent "haaaa mais c'est trop mal fait" et n'y jettent plus un coup d'oeil.
Moi même, j'ai péché. J'ai vu le début de ce film à l'adolescence, avec des amis dans le cadre d'une soirée "films d'horreur". Assez rapidement, en recherche de sensations plus fortes (c'était l'époque des Saw & autres torture porn), nous avions décidé de regarder autre chose: franchement, c'était pas très bien fait, ça faisait pas peur.
Lorsque j'ai enfin revu le film, j'ai été happé dès les premières scènes du film. Et j'ai redécouvert le cinéma qu'on pouvait toucher, ("quelque chose qu'on pouvait voir et toucher", shout-out to my bro John Hammond), sentir et goûter. Cette magie des effets spéciaux pratiques qu'on peut trouver dans le premier Jurassic Park (oui je cite pas John Hammond comme ça, sans raison. Enfin pas là).
Parce qu'au delà de la qualité des acteurs, du script, de la mise en scène et de l'étude habile des comportements humains, ce sont les corps transformés par "The Thing" qui ancrent le danger, le rendent présent, réel et palpable.
Le paradoxe au centre de "The Thing" est, il me semble, d'arriver à montrer une horreur qui n'a pas de nom, pas de forme (une horreur cosmique, pour prendre le terme lovecraftien). Et pour le faire, Carpenter a décidé d'emprunter le chemin le plus difficile : au lieu de suggérer, on montre. On montre tout, dans le détail le plus dégoulinant, dans l'élasticité de la peau qui cède, dans l'odeur de roussi suivant un coup de lance flamme. Notre horreur n'a pas de forme ? Qu'à cela ne tienne, montrons-la dans tous ces détails, sous toutes ses coutures et avec toutes ces variations.
Alors nanardesque ? Certes. Parfois hilarant ? Bien sûr. Mais jamais sans être fascinant et flippant dans le même temps.