En 2009 est annoncé par Universal un projet aussi prometteur que risqué : un prequel à "The Thing", le classique de la science-fiction horrifique réalisé par John Carpenter en 1982, considéré aujourd’hui et à juste titre, comme l’une des pierres angulaires du cinéma d’épouvante des dernières décennies, voire de toute l’histoire du cinéma.
Le projet se concentrait donc sur la découverte de la Chose, une créature extraterrestre pouvant s’approprier le corps de tout être vivant en l’ingérant et en reproduisant ses cellules, et de son vaisseau par une équipe de chercheurs norvégiens, avant que ces derniers ne se fassent décimer par la bête qui finira par se réfugier quelques kilomètres plus loin, dans la base américaine voisine qui servira de lieu d’action au film de 1982.


Et si le résultat final en a finalement déçu plus d’un, ce prequel/remake (nous y reviendrons) partait pourtant avec de bonnes idées, bien ou mal exploitées, si tant est que l’on prenne le temps de s’y pencher.


Une chose est sûre, c’est que le film de Carpenter a eu un grand (trop grand ?) impact sur la conception de celui de 2011, et s’il serait facile de pointer du doigt les coupables idéaux, studios et producteurs, il ne faut pas oublier que le réalisateur derrière la caméra, Matthijs van Heijningen Jr., parle du film original comme étant son film préféré avec "Alien" de Ridley Scott (d’ailleurs une tête de xénomorphe se cache, pas très discrètement, dans le long-métrage, ici).
Ce nouveau The Thing n’était donc pas qu’un simple film de commande de la part d'un studio mais il y avait en plus une véritable volonté de rendre hommage au film dont il raconte les événements antérieurs, une volonté de bien faire que l’on peut également voir dans la nationalité du réalisateur.


Le problème est dans le résultat car ici, tout transpire le premier "The Thing" (dans cet avis, premier = celui de Carpenter).


Que ce soit dans la construction, les dialogues ou les enjeux, l’hommage est tellement appuyé que ce nouveau film perd son titre de préquel pour celui de celui de remake. Un remake qui, soit par peur de trop se détacher du matériau d’origine, soit par volonté de rendre un hommage trop poussé à un film dont la qualité est inaccessible et l’aura inégalable, nous ressort des scènes que nous avons déjà vu mais avec une qualité moindre.


En effet le climat de tension ambiant, l’isolation due à la tempête de neige et la peur, la vraie, des hommes et des spectateurs, qui étaient présents dans le film de Carpenter, sont quasiment absents ici, et ce pour plusieurs raisons. D’abord, la réalisation n’instaure pas vraiment d’ambiance de stress. Certes, ici on sait ce dont la Chose est capable et l’on sait ce qui va advenir des protagonistes mais justement, l’enjeu était ici de nous faire vivre une horreur que l’on ne pouvait qu’imaginer dans le premier film, chose qui n’arrive que rarement en une heure quarante de film.
Une peur également absente de par l’utilisation de jumpscares facile, et d’une musique à la fois omniprésente et oubliable (hormis les cours moments où les thèmes d'Ennio Morricone et Carpenter se font entendre) mais également du fait que le long-métrage, qui s’ouvre en Antarctique, emmène son spectateur quelque part en Amérique (même si ce n'est qu'une scène en intérieur) avant de nous faire revenir de nouveau sur le continent gelé. Un élément scénaristique qui, même s’il peut sembler anodin, impacte l’ambiance du film dès les premières minutes.


Du côté des personnages, nous suivons des hommes et femmes pour qui on ne ressent pour la plupart pas grand-chose (certains tombant rapidement dans l’oubli), affronter une créature créée ici en images de synthèses, des effets qui créent eux-mêmes une cassure entre les deux films. Une créature qui de plus, ne possède qu’un faible répertoire d’apparences lors de sa transformation (ne se limitant les trois-quarts du temps qu’à une ouverture de ventre ou de tête en mode kraken de "Pirates des Caraïbes"). Enfin, malgré un traitement de base de la créature plutôt intelligent, qui nous présente une Chose paniquée, attaquant toute personne ayant quelque soupçon que ce soit, il subsiste un manque de mystère, étant donné que l’identité des personnes et la façon dont elles ont été infectées sont facilement devinables, alors que l'inverse était l'un des éléments qui faisait la force du film de Carpenter.
Un traitement de la créature qui partait donc d’une idée plutôt bien trouvée mais qui a pour conséquence de ne la voir que sous l’angle d’un monstre de slasher sans grande originalité.


Concernant le scénario, il ne nous aide pas toujours à apprécier le métrage. Déjà, comme dit précédemment, de nombreuses scènes ne sont que des copies de scènes présentes dans le premier film, mais ce nouveau long-métrage contient en plus quelques incohérences et faux-raccords qui auraient pu être évités (que ce soit la manière dont est retirée la glace qui recouvrait le vaisseau qui diffère entre les deux films, le fait que dans celui de 1982 les personnages ne retrouvent pas de Rover carbonisé près du vaisseau, etc…).
Egalement, un autre défaut notable est le personnage de Mary Elisabeth Winstead, une héroïne qui ne possède pas vraiment de charisme, n’ayant rien de plus à proposer que les autres, n’arrivant pas à jouer le rôle de leader ni à marquer de quelque manière que ce soit. Un défaut qui ne cesse d’être visible et gênant, particulièrement avec sa fin qui va dans le sens contraire que voudrait la logique du film.


Et pourtant, même si ce qui a été énuméré jusqu’ici sont surtout ses défauts, ce "The Thing" possède quelques qualités qui font que son visionnage peut ne pas être totalement désagréable.


Il faut d’abord souligner la qualité du casting casting norvégien, car même si le personnage de Mary Elisabeth Winstead et plus globalement, les personnages interprétés par des acteurs américains, ne sont que des archétypes pour qui le sort nous est plutôt indifférent, il n’en est pas de même pour les norvégiens.
Ces personnages dégagent en effet un sentiment de groupe qui se rapproche de celui du premier film. On sent que lorsque les acteurs jouent ils veulent bien faire, qu’ils sentent le poids d’un film culte sur leurs épaules et qu’ils font tout pour être à la hauteur, ce qui les rend d'autant plus humains. Mention spéciale à l’acteur Jørgen Langhelle, qui interprète Lars et qui porte le film. Un acteur qui, même s’il ne se manifeste pas beaucoup à l’écran, arrive à rendre le film vrai à chaque apparition, de par les regard, la peur et la rage qu’il transmet, et ce tout particulièrement lors de la séquence du générique de fin qui est la meilleure du film, celle qui donne des frissons à chaque visionnage, la séquence qui était essentielle comme conclusion.
Une séquence qui marche grâce à ses acteurs, au thème du film de 1982, à sa réalisation ici très efficace, bref, à la reconstitution (qui est un point fort du film, en général).
Il est tout simplement dommage que les frissons que procurent le film n’arrivent qu’au générique de fin, avec une séquence qui marche grâce au lien qu’elle permet d’effectuer.


Au final, ce "The Thing" de Matthijs van Heijningen Jr. n’est pas une catastrophe, mais simplement un prequel qui n’aura pas réussi à s’extirper de l’ombre trop grande du film dont il voulait à la fois rendre hommage et compléter.
Avec un tel projet, le risque de naufrage était très élevé, et même si en le visionnant nous pouvons nous dire qu’il y avait bien mieux à faire, ce prequel reste regardable, dans un paysage cinématographique où la grande majorité des remakes/reboots/prequels de films d’horreur sont lamentablement bâclés. C'est donc malheureux de constater qu'avec une telle histoire, le résultat ne soit pas à la hauteur des attentes, ne serait-ce qu'au niveau de l'épouvante ou de l'ambiance.


La question définitive à se poser est, fallait-il vraiment faire un prequel au chef-d’œuvre de 1982 ? Non, pour conserver la part de mystère qui fait la force du film ? Oui, afin de mettre en lumière des événements au potentiel immense mais pas très bien exploités ici…
Chacun se fera son idée mais une chose est sûre, c'est que l'on ne pourra pas retirer à ce prequel de nous avoir fait découvrir un tube sur lequel nous allons maintenant nous quitter.
Musique !

Tocotoc
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le 27 févr. 2016

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