Ce qui fait le monde; ce qui fait un homme.

Alors que le cinéaste vient d'obtenir une palme d'Or qu'il n'est pas venu chercher mais qu'il a largement mérité, certaines critiques se ravisent et conforment leur avis à celui d'un jury agissant pour un festival où l'argent et le paraitre semblent roi, et de ces mêmes journalistes de quémander quelque miettes de ce stupre par le retournement de Smoking Express.
Le festival de la côte d'Azur et ce qu'il est avec beaucoup de défauts et inversement proportionnel de qualité, on est obligé de reconnaitre que ses deux dernières palmes d'or sont attribués récompensent de véritables films de cinéma, dont l'absolutisme rehausse le niveau d'une industrie qui au fur et à meure n'existe plus que tel quel, inscrit leurs auteurs dans la carte d'une cinématographie mondiale et surtout dessine les motivations des artistes de notre temps.

Là oû l'illustre Kubrick se basait sur Nietschze et l'absolutisme du devenir humain pour parler de la vie; Malick semble préférer en rester à Spinoza. Dans ce cinéma, l'homme n'est plus placé au centre, il gravite autour de la vie, celle-ci est la seule constante, obéissant à un fonctionnement cyclique dont les mécanismes semblent se répéter indéfiniment.
S'il faut montrer la vie, il faudra la montrer dans l'intensité, l'auteur voit celle-ci dans les petits chaos qui viennent agiter l'existence à l'échelle de chacune d'elle. un big-bang, une mutilation; une relation paternelle.

Professeur de philosophie, Terrence Malick ne se contente pas d'un soliloque sur l'existence et son essence. Profondément attaché à la vie humaine à laquelle il dit vouloir retourner après chacun de ses tournages, il veut montrer ce dont cet être se constitue, de quoi se construit un homme. L'homme se construit justement de ses petits chaos, de ces intensités émotionnelles qui marqueront le spectre de sa mémoire définitivement. Une photographie d'un instant que l'esprit invitera à se mélanger dans un même et unique bloc mémoire en se contrefoutant des lois de la rationalité ou de la physique.
L'homme se construit dans le conflit au père, dans l'amour à la mère, dans la jalousie, la haine et le désir de ses frères. L'homme se force à apprendre la compassion puis souffre de vouloir apprendre ce qu'on lui a fait identifier comme mal.

Terrence Malick définit effectivement le bien et le mal. Le cinéaste comprend que le cinéma et ses dérivés de 45° sont l'une des principales religions du pays qui l'a vu naitre. ces états-unis, dont l'image, syntagme central est le dieu vivant et concrètement éternel, puisque celle-ci ne demande pas à croire, elle donne véritablement de la croyance. "Tree of life" se calque sur un schéma biblique et offre deux testaments à son spectateur pour qu'il accueille le Dieu qui le régit de puis plus d'un siècle. Quelle est la force de ce Dieu si ce n'est celle de nous contrôler? Celui-ci nous donne à voir la vie, détaché de toute lois de la hiérarchie que l'on s'est établi, mais mettant tout de même à notre portée une certaine logique pour ne pas nous détacher complètement de la parole. Ainsi, notre croyance ne devra pas se fonder sur des choses que l'on ignore, mais sur des choses que l'on nous a apprise.

Car si à la suite de Kubrick et de Jodorowsky, il y a un an Gaspar Noé nous invitait lui aussi au coeur de son film trip, réflexion sur l'illustration d'une croyance par un livre plus que véritable éclairci sur une certaine conviction et une approche particulière du monde; celui-ci nous laissait errer dans le sur-naturel, symbolisant la vie par la lumière, péage vers des multitudes possibles de nouvelles vies; il n'en est pas de même pour Malick.
Certes le cinéaste livre ici un grand film sur la vie, un de ces films qu'on aperçoit que quelques fois au cours d'une, son approche reste purement scientiste, et le pré-existant et l'encore incompris, ne sont que des versets d'une science que l'on n'a pas encore entrevu ou dont notre cerveau tient à nous laisser distant. Terrence Malick croit car il est athée.

D'aucun accuseront facilement l'auteur de cet enthousiaste critique d'avoir comparé le cinéaste à Dieu, ce qui à l'échelle d'un film n'est pas forcément une erreur. Toutefois ce n'et aucunement le cas, comment ouvrir après une telle réussite cinématographique et une telle profondeur de discours.
Il ne nous reste plus qu'à affirmer que Terrence Malick est un artiste exceptionnel maitrisant tant la forme de son art que le fond qu'il lui accole. Il ne doit pas être trop audacieux de dire qu'après l'hommage d'hier, nous pouvons considérer Terrence Malick comme l'un des dix cinéastes vivants les plus importants du monde.
Traviser
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le 23 mai 2011

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