Con-cept

''Attention film choc !'' Voilà le genre de chose que l'on pouvait lire partout sur The Tribe, de sa projection à Cannes jusqu'à sa sortie au cinéma. Le film est vendu sur son concept choc : film en langue des signes, non traduit, sans commentaire. On nous promettait une nouvelle expérience de cinéma, en effet.


Dès le premier plan le film énerve déjà. Voilà qu'on nous rabâche le concept au cas où on n'aurait pas encore saisi. Bon. Puis le film commence, sans paroles, en langue des signes donc. Myroslav Slaboshpytskiy fait preuve de son talent indéniable avec de long plans-séquence, souvent fixes. Le spectateur est en effet en train de vivre une expérience bizarre au sein de cet internat drôlement calme. S'ensuit une scène de classe surréaliste où un élève fout le bordel mais où règne un drôle de silence. The Tribe propose une immersion au sein de ce monde silencieux qui nous est inconnu, c'est en soi une véritable expérience de cinéma. Mais il y a quelque chose que nous n'avons toujours pas compris...
Pourquoi, mais pourquoi ne pas avoir traduit cette langue des signes ? Il y a un certain mépris que de ne pas traduire une langue somme toute comme les autre, et puis le film aurait déjà était très original en soi. Mais non, le réalisateur a voulu absolument pousser son concept jusqu'au bout. Malheureusement ça n'a plus de sens. On comprend ce qu'il se passe mais les paroles de ces personnages sont passés sous silence, ce qui nous empêche de s'attacher à eux. Cette distance rend impossible l'immersion dans cet internat puisque nous sommes sans cesse exclus, à l'extérieur de l'action. L'expérience tombe donc très vite à l'eau.
L’indigence est poussée à l'extrême avec cette ultime phrase choc pour légitimer l’absence de sous-titre : ''la haine n'a pas besoin de mot''. Or plus que jamais la haine a besoin de mots pour être comprise, la violence n'est jamais gratuite. Mais dans cet internat elle semble naturelle, tout comme dans la film qui multiplie les séquences (encore une fois chocs) de sexe, d'avortement ou de violence qui sont du coup : gratuites.


Pour faire parler de lui le réalisateur ukrainien a préféré construire son film autour d'un concept choc complètement gâché au lieu de mettre en avant sa maîtrise indéniable de la caméra. Or ce n'est pas un concept qu'il faut pour faire du bon cinéma, mais du talent.