Et bien dis donc, ces dernières années il sort régulièrement un film muet. Car sous ses airs de film de sourd-muet, il s'agit bien de ça, d'un film muet. D'ailleurs je trouve que l'auteur en adopte un peu le principe, avec beaucoup de plans larges, peu de plans rapprochés.


M'enfin, ce n'est pas parce qu'on fait un film muet qu'il ne doit rien se passer. Bon ce n'est pas totalement vide d'action, mais disons qu'au bout de 30 minutes on a compris de quoi il retourne. Il y a aussi un côté "Scum" ou "If..." du fait qu'on se focalise sur des étudiants pas très gentils qui font leur petit trafic (on pense alors à "Casino" dans un autre contexte), sauf que l'auteur ne fait qu'aborder les choses en superficie, sans jamais les approfondir.


Pour en venir au jargon cinématographique, je n'ai pas vraiment décelé d'élément perturbateur... avant le dernier tiers du film, quand le couple se forme véritablement. Cela permet d'amener quelques conflits, sauf que le héros ne peut rien faire vraiment. Et la solution apparaît plus comme un acte après coup qu'une réelle tentative de franchir un obstacle. C'est dommage parc que les conflits sont ce qui permet au spectateur de s'identifier. Et ici, il ne lui en est jamais donné l'occasion. De plus, au vu des thèmes abordés, du manque de conflits et du manque d'une possible résolution, on lorgne très souvent du côté du misérabilisme


En effet, même la mise en scène est conçue selon un principe de distanciation. On se croirait dans un jeu vidéo : peu de gros plans, peu de possibilité de s'enticher de qui que ce soit : les choses se déroulent sous nos yeux, qu'on le veuille ou non. Ce n'est pas inintéressant pour autant : c'est par cette réalisation que le film brille le plus : les plans séquences ne sont pas ce qu'il y a de plus compliqué ni audacieux (rares sont les séquences qui demandent un timing précis, il suffit 'juste' aux acteurs d'attendre leur tour), mais ils permettent un regard intrusif dans ces dortoirs. Ils donnent l'impression d'une routine bien huilée, où chacun sait quelle porte franchir, et ce de manière très mécanique.


Il y a aussi cette séquence où les personnages se battent qui est fascinantes : on se croirait dans un jeu d'arcade, avec les spectateurs figés, qui gesticulent exagérément au rythme des coups portés. C'est assez bizarre à regarder. Tout comme l'exécution finale. Mais le revers de cette méthode très contemplative, et ça se ressent dès les premiers plans du film, c'est que le réalisateur filme beaucoup de choses inutiles. La plupart de ses plans auraient pu être coupés plus tôt, c'est du temps perdu.


Le concept en soi laisse un peu dubitatif : était-ce vraiment utile de mettre en place un monde totalement muet ? Au final, on ne ressent pas ce côté muet. On s'en fiche même complètement. C'est juste une histoire racontée de telle sorte que les dialogues ne sont pas utiles. De plus, la meilleure manière de mettre en valeur un tel concept, c'est de le pousser dans ses limites, de le confronter à son contraire, à savoir la parole, le bruit, le son. Il y a bien quelques scènes similaires : le viol, le massacre final, le poids lourd qui écrase ; tout cela se déroule dans le plus grand silence pour les personnages, pas pour le spectateur. Ces instant sont intéressants, nécessaires, mais rares et courts. Ce sont des pets dans le vent : on les remarque parce que ça laisse une petite odeur, mais ça reste discret.


Bref, "The tribe" n'est pas une grosse daube mais souffre d'une histoire mal développée et d'un thème principal mal exploité. Heureusement, la mise en scène sauve un peu les meubles, même si elle n'est pas exempt de défauts.

Fatpooper
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le 16 janv. 2016

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