L'ombre d'Hitchcock (des heures glauques) plane sur ce premier long de l'espagnol Guillem Morales, revenu six ans plus tard avec Les Yeux de Julia. El habitante incierto est délicat à aborder pour deux raisons ; la première, c'est le risque de gâcher le plaisir de la découverte, plus élevé que la normale lorsqu'un film est marqué par la volonté de retourner le spectateur – et plus basiquement, par des twists en ricochets (bien qu'ils soient doux et pas l'essentiel). La seconde, c'est qu'il est le moins concluant sur le fond et il y aurait alors peu à en dire, parce que ses qualités se développent en-dehors du champ du raisonnement ou du verbal (comme Dead Man de Jarmusch). El Habitante ne pourrait exister qu'au cinéma et à la rigueur être rapporté sous forme littéraire, mais l'exercice serait casse-gueule, à moins d'embrasser l'ennui.


Les ressources exploitées sont minimes, tout est affaire de passerelles et de subjectivité (dans l'attention aux sons, sur les interactions) – au détriment des opportunités plus évidentes liées à la fouille de la maison. Le catalogue des biais stylistiques tourne à plein. L'anxiété est dopée par des éléments sensoriels, des motifs triviaux que le protagoniste arrive à identifier ensuite, mais sans tirer de véritable soulagement. La peur est là, reste à savoir si elle se nourrit par elle-même ou va se trouver des raisons, puis à quel point elle est légitime (au-delà des affaires existentielles). Les cartes sont rebattues dans la deuxième partie où le protagoniste devient l'invité fantôme, observe et communie avec sa cible – Malveillance de Balaguero (2011) donnera une vision 'miroir' dans un cadre très proche. La paranoïa puis le voyeurisme dominent dans le film et face à lui, le spectateur partage les troubles sensoriels d'un homme-objet (Andoni Gracia en Félix).


Finalement El habitante incierto vient grossir la liste des films d'épouvante ou d'horreur 'domestique' qui font la vitrine du genre en Espagne (Amenabar ou son souvenir menant la danse en 2008). Il évoque certaines constructions à la De Palma ainsi que Lost Highway, partageant son focus sur la tromperie – la scène lors de la soirée concrétise ce lien et au passage, hypertrophie pour un instant 'magique' le basculement de Félix (le phobique se retrouve dans la peau du clown sordide, mystérieux maître du jeu et des lieux).


https://zogarok.wordpress.com/2017/04/18/el-habitante-incierto/

Créée

le 17 avr. 2017

Critique lue 545 fois

1 j'aime

Zogarok

Écrit par

Critique lue 545 fois

1

D'autres avis sur The Uninvited Guest

The Uninvited Guest
Fatpooper
6

Fais comme chez toi

Pas inintéressant ce film, mais il comporte des faiblesses qui gâchent un peu l'expérience. L'idée de départ est plaisante, mais on la devine casse gueule. Et en effet, très vite, on se rend compte...

le 7 mai 2016

3 j'aime

The Uninvited Guest
Sid_Nitrik
7

Le côté voyeur de tout un chacun.

Voilà une bien belle surprise ! Visiblement quasiment inconnu dans nos contrées, un peu comme s'il n'avait pu franchir la chaîne pyrénéenne, ce 1er film de Guillem Morales (seulement 29 ans à...

le 5 avr. 2014

3 j'aime

The Uninvited Guest
TheBroCode
7

Un thriller terriblement original !

Que ce film espagnol est rafraîchissant ! Ça fait du bien de voir un scénario qui sort des sentiers battus et qui surprend. Il y a un retournement de situation (au sens propre) au milieu du film, que...

le 11 août 2016

1 j'aime

Du même critique

La Haine
Zogarok
3

Les "bons" ploucs de banlieue

En 1995, Mathieu Kassovitz a ving-six ans, non pas seize. C'est pourtant à ce moment qu'il réalise La Haine. Il y montre la vie des banlieues, par le prisme de trois amis (un juif, un noir, un...

le 13 nov. 2013

49 j'aime

20

Kirikou et la Sorcière
Zogarok
10

Le pacificateur

C’est la métamorphose d’un nain intrépide, héros à contre-courant demandant au méchant de l’histoire pourquoi il s’obstine à camper cette position. Né par sa propre volonté et détenant déjà l’usage...

le 11 févr. 2015

48 j'aime

4

Les Visiteurs
Zogarok
9

Mysticisme folklo

L‘une des meilleures comédies françaises de tous les temps. Pas la plus légère, mais efficace et imaginative. Les Visiteurs a rassemblé près de 14 millions de spectateurs en salles en 1993,...

le 8 déc. 2014

31 j'aime

2