On rentre dans The Vigil comme le couteau dans la motte de beurre. Dès les premiers plans, ses panoramiques en champ contre champ donnant un aperçu des vertiges à venir. Le réalisateur maitrise son cadre et nous le montre en nous offrant des séquences urbaines étirées par le grand-angle ainsi que ses éclairages aux teintes lugubres. La carrure imposante de Menashe Lustig (Brooklyn Yiddish, ce mec transpire la classe, quel plaisir de le revoir ici), un genre de rabatteur communautaire, vêtu du traditionnel costume noir et du chapeau. On vient de passer de l'étrange à l'inquiétant.


Je ne suis pas très "film à folklore", surtout depuis que j'ai subi le Achoura de Talal Selhami. Pour être tout à fait honnête, j'avais peur que le folklore prenne justement trop d'importance au détriment de la narration et d'une certaine crédibilité du récit. Fort heureusement, tout est assez bien dosé ici.


Il est important de saluer l'esthétique visuelle et sonore du film. Ce huis clos est baigné dans un clair-obscur aux teintes d'orange et de bleu, passant de l'un à l'autre au gré des états du protagoniste. Le design sonore n'est pas en reste et bénéficie d'un soin particulier contribuant à notre immersion. Même si Keith Thomas coche certaines cases de mise en scène dont le jumpscare


Celui du facetime reste très bien utilisé. D'ailleurs toute la conversation est flippante.


Ainsi que celle de "le narrateur est fou, faites attention à la réalité". En effet, le pauvre trentenaire est sujet à des hallucinations étant actuellement sous traitement. C'est là que nous arrivons au cœur du problème avec The Vigil à mon sens. Le personnage principal s'est construit sur un épisode traumatique qu'il a eu à subir quelques années plus tôt. Ce même trauma résonne avec celui vécu par le défunt. C'est ainsi que le réalisateur plante et et crée son monstre qui, vous l'aurez compris, est une allégorie de la souffrance


de non seulement perdre un proche mais de s'en sentir responsable.


Malheureusement, c'est ici que le bât blesse et il blesse fort. En effet, le récit va justifier et expliquer tous les éléments mis en place depuis le début mais se vautre complètement.


S'en suit la fameuse quête de "je vaincrai mes peurs" qui permet au héros de sortir la tête haute mais avec un pansement pour montrer qu'il aurait pu y laisser sa vie. Bonus : il va sûrement perdre sa virginité dans quelques heures car il a réussi à choper dans des conditions irréelles.


Loin d'être une purge en offrant des moments visuels flippants, l'histoire ne réussit cependant pas à aborder la deuxième partie du film aussi bien que la première.


Je m'attendais même à un sursaut final, lorsque le personnage quitte la maison au petit matin sur plan fixe, mais rien.


Aurait pu être intéressant.

Alcalin
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le 6 avr. 2020

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Alcalin

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