Marjane Satrapi revient là où on ne l’attendait pas avec cette comédie horrifique. The Voices mettant en scène un Ryan Reynolds aux antipodes de ses rôles habituels, une Gemma Arterton toujours aussi resplendissante et drôle avec tout un casting de tête plus ou moins connues du cinéma actuelle dans un film sensiblement assez grinçant. L’histoire de ce jeune homme entendant des voix l’incitant à tuer des gens est assez éloignée de ce qu’on s’attend à voir avec un tel casting.
En vérité sous des couleurs pêchues, une reprise des codes de la comédie romantique américaine, avec la brune pinpêche et la blonde véritablement amoureuse qui se disputent toutes deux l’attention d’un beau brun un peu bizarre, avec sa musique pop et son rythme effréné se cache une comédie noire et grinçante qui fait le portrait d’un homme marginal, un fou sans doute, qui entend effectivement ses animaux lui parler, et qui s’imagine comme forcément timbré, voué à devenir un tueur. Lui-même semble vouloir être quelqu’un de normal, la mort frappant au début purement par hasard, par erreur, cependant il est rapidement contraint de prendre le taureau par les cornes que les voix soient ou non responsable qu’il soit un tueur en série ou pas.
En décrivant ce tueur comme quelqu’un de plutôt gentil qui préfère entendre ses animaux lui parler plutôt qu’être tout seul, qui veut tout ressentir intensément plutôt que vivre à moitié endormi à cause des drogues qui l’assomment et font taire les voix, le héros est par conséquent très éloigné des habituelles images d’un tueur en série. On est à des années lumières d’un Henry (Henry portrait d’un tueur) et très loin d’un Norman Bates (Psycho) puisque celui-ci vit dans un monde où tout est rose, où les filles qu’il a tué continue à vivre d’une certaine manière puisque leur tête parle au héros. En revanche s’il arrête les médicaments la lumière et les couleurs disparaissent, et l’aspect sordide de la réalité apparaît.
L’enchaînement entre les deux, la réalité avec cet appartement absolument répugnant et tous ces Tupperware remplis de chair humaine découpée soigneusement, ces sacs plastiques noirs accumulés, les tâches de sang s’étalant partout y compris sur le frigidaire, et d’un autre côté la réalité sous acide du héros quand il n’a pas ses médicaments, l’appartement très joli, les têtes lui parlant, les animaux avec leur voix amusantes, tout ça donne une atmosphère décalée drôle qui donne lieu à de sacré séquences quand les gens sont confronté à la réalité alors que le héros continue de nager dans son délire ne prenant absolument pas conscience des conséquences qui risquent de lui tomber dessus.
C’est sa naïveté et la manière enfantine dont il règle les conflits qui créer des moments irrésistiblement drôle. Il est difficile de ne pas céder à l’envie de rire à chaque fois qu’on voit le sourire idiot de Jerry, le héros, alors qu’il tente de convaincre une fille pourtant jusqu’à présent totalement à fond sur lui qu’il n’est pas le psychopathe qu’il en a l’air. C’est la différence entre la réalité et l’illusion dans laquelle vit Jerry, une illusion qu’on a envie de lui céder au vu de son histoire tragique, qui fait tout l’humour du film.
Différent de toutes les comédies horrifiques, il ne joue pas tant que ça avec les codes du film de genre mais se décline sous son propre genre, évoluant comme un ovni, un film différent de tous ceux qu’on a pu voir, pas vraiment une satire, plutôt quelque chose d’aussi naïf que son héros. Le plus drôle est sans doute de voir la patate que donne le film à la fin aux spectateurs avec une fin qui est en accord avec tout le film et le ton qu’il a. Petite pépite sans être un chef d’œuvre, il mérite amplement le prix du public qu’il a raflé haut la main à Gérardmer.