Pour une première partie sous haute tension

Ça commence très, TRÈS bien. Avec son somptueux décor naturel et la photographie bleutée qui lui rend parfaitement honneur, sa petite galerie de personnages qui « sonnent » vrai pour changer, son acteur principal loin des clichés du héros américain, le film de Roar Uthaug annonce la couleur : nous sommes dans l'anti-San Andreas (2014). Et sa première heure sera l'une des plus intenses mises en place de l'histoire du film-catastrophe, pesante, menaçante, puissamment épaulée par la BO atmosphérique à souhait de Magnus Beite, jusqu'à son climax, un tsunami nocturne des plus impressionnants qui a sans doute absorbé 95% du budget effets spéciaux.


Le problème, c'est ce qui vient après. Parce que si produire un crescendo digne de ce nom est un accomplissement à ne pas négliger, la gestion de l’après-cata est tout aussi importante – à moins de finir sur la catastrophe, bien entendu. Reconnaissons que c'est un cas de figure courant. Ou du moins que l'inverse arrive rarement. On fait monter la sauce, on fait monter la sauce… et plus ça monte, plus l'attente est grande, et plus l'attente est grande, plus les gars ont intérêt à être les nouveaux maîtres dans l’art de savoir quoi faire après le boum-boum… or, tout le monde sait que le dernier maître dans cet art a disparu dans un fameux tremblement de terre survenu en 532, dans le sud du bassin moldavo-mésopotamien. Donc c'est par essence mal barré. C'est pourquoi l'on a appris à ne pas TROP en attendre. Voire, et c'est plus tordu, à espérer une première partie pas TROP prometteuse, histoire de. Hélas, celle de The Wave est VRAIMENT prometteuse.


Mais alors, qu'a-t-elle de si problématique, précisément, cette seconde partie ? Eh bien, tout ce que n'avait pas la précédente : une progression laborieuse, et surtout une enfilade de clichés jusque-là soigneusement évités, on y revient plus bas. Le problème est donc essentiellement dans le fond, et pas dans la forme : la mise en scène d'Uthaug fera amplement le job jusqu'au bout de l'aventure. Il faut toujours resituer un film dans son contexte – et j'emmerde celui qui prétendra l'inverse en suggérant qu'on doit le juger indépendamment de ce contexte. Ainsi l'on pardonnera les cafouillages scénaristiques que ce film NORVÉGIEN doit au rachitisme de son budget : il tombe sous le sens qu'avec cinq millions d'euros (cinq fois moins qu'une romcom US standard ?), le cinéaste ne pouvait pas aller bien loin dans sa mise en scène de l'après-cataclysme, et donc faire traverser à son héros le nombre de décors de désolation nécessaire à nous faire ressentir son parcours du combattant pour récupérer sa famille. Pas vraiment d'eau, ni de poissons morts, dans ces décors, encore moins de bateau perché sur le toit d'un immeuble : juste quelques carcasses de voitures par-ci, par-là, et quelques flammichettes pas très sûre d'elles-mêmes, de-ci, de-là. En résumé, rien qui ne fait vraiment ressentir qu'une vague de soixante mètres est passée par là. Par ailleurs, à l'exception de la scène du tsunami, nombre des effets spéciaux ne seront pas très convaincants… Mais bon, soit, on fait avec ce qu'on a, et le résultat n'est pas dégueu non plus.


EN REVANCHE, on est bien moins cléments envers la MAUVAISE écriture, celle qui n'a rien à voir avec les entraves budgétaires. La seconde partie est marquée par une décision scénaristique pas vraiment lumineuse, quand son protagoniste décide de laisser sa famille se scinder en deux et rester dans la ville, alors qu'il est à 90% sûr que l'apocalypse est proche. Rien que cela demande une certaine clémence. Par ailleurs, on parlait de clichés plus haut. Un des plus gros constitue une tare récurrente dans le genre du film-catastrophe : le trop-plein de personnages totalement débiles dans l'unique but de créer artificiellement du drame. Du fils relou qui décide de faire du skateboard dans un couloir du sous-sol de l'hôtel (WTF ?) au survivant qui passe de gars normal à furie homicidaire (WTF ?), en passant par les collègues du héros qui ne voient ÉVIDEMMENT rien de ce qu'il voit, soit le plus gros cliché qu'on pouvait se prendre en pleine poire (« mais ne voyez-vous donc pas ?! »), The Wave peut s'avérer par moments horripilant, d'autant plus qu'on avait fini par en attendre un miracle du genre. Et ne parlons pas de la fin aussi bâclée que neuneu à souhait qui, pour le coup, fait archi-américaine – manquait plus que le drapeau norvégien flottant au vent.


Le morceau du récit qui laisse perplexe est toute la partie dans le bunker. Elle n'est pas forcément très convaincante à la base : s'enfermer dans un bunker quand un tsunami nous tombe dessus, ce n'est pas exactement l'idée du siècle, et la façon dont c'est fait n'est absolument pas réaliste (la porte aurait été impossible à fermer sous la pression) ; et elle présente l'inconvénient d'être un peu passe-partout dans un film qui se veut original (des gens piégés dans une pièce qui se remplit à vue d'œil, ça se voit aussi dans les films de naufrage). MAIS… cette partie finit par occasionner une scène forte entre l'épouse du héros, leur fils, et un autre personnage déjà cité plus haut, où la détermination froide de l'instinct maternel est dépeinte de façon assez couillue. Ce faisant, elle souligne la première qualité rédemptrice de cette seconde partie : son portrait de famille un poil dysfonctionnel, mais pas trop caricatural. Sa seconde qualité, c'est la présence forte et originale de l'acteur Kristoffer Joner, superstar dans son pays, est pour beaucoup dans la magnanimité dont nous ferons preuve à l'égard de cette seconde partie. Poignant en tout point et aux antipodes de l'« american hero » (là encore, on pourrait prendre comme exemple San Andreas avec Dwayne Johnson), il fait croire à son histoire et croire à sa famille. De ce point de vue, le film rappelle un peu le The Impossible, de J.A. Bayona (avec Naomi Watts et Ewan McGregor), ce qui n'est pas forcément une mauvaise chose.


Alors ? Verre à moitié vide, ou à moitié plein, pour un film-catastrophe qui change malgré tout, et en bien, des disaster-movies à la Roland Emmerich, et a tout de même de grands moments à offrir ? Allez, notre choix est fait, en partie sous l'influence d'une compagne qui est sortie de la salle extatique : avec The Wave, hélas pour les victimes et heureusement pour le pop-corneur, le verre est à moitié plein.

ScaarAlexander
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le 13 août 2016

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Scaar_Alexander

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