The Wicker Man faisait partie de ses œuvres que je souhaitais voir depuis des années, pour ne pas dire des décennies. Les hasards de la vie ont fait que je n’avais pas encore eu le plaisir de me plonger dans cette référence de l’horror folk. Avec le temps, mes attentes devenaient de plus en plus grandes. Le film va les satisfaire.


Protégez-nous du mal!


La scène d’introduction, nous présente le sergent Neil Howie (Edward Woodward) à l’église, en train de prier durant l’office religieuse. C’est un homme pieux et fiancé. Une lettre anonyme va l’informer de la disparition d’une jeune fille sur une petite île écossaise. Il va s’y rendre pour mener une enquête qui va le bousculer dans ses convictions et le mener à sa perte.


L'île de Lord Summerisle


Le sergent Neil Howie est un homme de foi. Il croit en dieu comme en la justice. Il représente l’autorité. Sûre de son fait, il assène ses convictions à une population qui ne semble pas affectée par son comportement, comme si ce n’était qu’un bouffon de la reine. Il contraste de par sa rigidité, à l’image de son costume de policier tiré à quatre épingles.


Malgré les dénégations des insulaires, il continue de mener son enquête, fouillant chaque recoin de l’île où l’omniprésence de la sexualité le choque autant que cela le perturbe. Elle se retrouve dans leurs attitudes, leurs sculptures et les paroles de leurs chants, incitant à la débauche, comme à travers Willow (Britt Ekland). Une nymphe qui, telle une sirène de L’Odyssée, tente de le charmer, en le tourmentant de ses murmures et gémissements. Une tentation qui l’étreint au cœur de la nuit.


Face à leurs comportements, il les déclarent fous. C’est la seule explication rationnelle que son esprit étroit est en capacité d’accepter. Ils se jouent de lui, comme une mouche prise dans une toile d’araignée. Ils ne reconnaissent pas ou peu son autorité. C’est un intrus au sein de cette communauté. Elle ressemble à une communauté de hippies, vivant selon leurs normes, ou plutôt de celles de Lord Summerisle (Christopher Lee).


Derrière les masques


A l’occasion du 1er mai, une grande fête est organisée par les habitants de l’île pour célébrer l’arrivée du printemps. La présence du sergent Neil Howie n’est pas souhaitable. Ils lui suggèrent plusieurs fois de quitter l'île à l’approche de cette commémoration. Une proposition pour la forme car dans le fond, ils ont d’autres intentions à son encontre.


Au premier abord, malgré une certaine réticence face à cet intrus, les insulaires semblent avenants. Ils donnent l’impression d’être de bons vivants inoffensifs aux mœurs légères. Mais derrière le masque, se cache des esprits retors, prêt au sacrifice de la jeune fille disparue pour que la prochaine récolte soit fructueuse. Un masque que le sergent va revêtir pour se fondre au sein de cette communauté, afin de parvenir à percer le mystère de sa disparition. Il ne le sait pas encore mais le piège est en train de se refermer sur lui.


Horror folk


Midsommar avait ravivé mon désir d’enfin voir The Wicker Man. Un désir qui fût attisé par la série The Third Day dont le souvenir a plané au-dessus de l'œuvre, tant les œuvres sont similaires.


L’horror folk est un genre réflexif, dont la peur provient de ses insulaires. La mise en scène de Robin Hardy instaure une atmosphère angoissante. Sa caméra est vacillante, comme un personnage tapi dans l’ombre, observant cette communauté et ce sergent aux abois. Elle me fait penser au Voyeur de Michael Powell et Halloween de John Carpenter. Elle donne le sentiment de voir à travers elle, de se trouver en ce lieu et de ne pas être un simple spectateur passif. Une immersion accentuant l’angoisse qui se dégage des visages, des façades comme de l’intérieur des demeures où un objet peut provoquer une sorte de malaise. C’est une foule de détails, de regards et de mots qui nourrissent la peur qui grandit en nous.


Une angoisse qui provient aussi de ce choc de culture entre le sergent et la population. On n'a pas forcément les mêmes convictions que le sergent mais notre éducation reste judéo-chrétienne. Nous sommes plongés dans une communauté aux mœurs différentes qui parvient, au fil des minutes, à nous faire vaciller, en remettant en cause une certaine conception de notre société actuelle.


Le sergent est un personnage antipathique. Son attitude autoritaire, avec une rigidité qui le rende austère, n’aide pas à être en empathie. On en revient à cette mise en scène qui créer une distance, en nous mettant dans une position de voyeur, tout en nous faisant ressentir diverses émotions allant de l’agacement face à son attitude hautaine, ainsi qu’à l’amusement avec ses habitants se moquant de son comportement, avec cette peur sous-jacente qui nous étreint jusqu’à la dernière seconde.


Dracula face à l’Equalizer sous le regard d’une James Bond girl


Edward Woodward apporte une austérité à son personnage, incapable de se remettre en question, ni de se rendre compte du piège qui se referme inexorablement sur lui. Face à lui, Christopher Lee est plus cabotin. Il tente de s’éloigner du rôle de Dracula, en arborant des tenues les plus fantasques, les unes que les autres, tout en restant dans un rôle de séducteur avec une emprise sur son “peuple”. Britt Ekland est d’une telle sensualité. Elle enflamme l’esprit des hommes, surtout celui du sergent et des spectateurs. Ils sont entourés d’une galerie de personnages, de gueules aussi avenantes qu’inquiétantes.


L'île a une place centrale dans l’histoire. Elle est isolée, permettant à ses habitants de vivre loin du regard des autres, en se nourrissant de la richesse de sa nature et d’effectuer leurs rituels païens. Une terre hostile que les ancêtres de Lord Summerisle ont rendue viable, afin de vivre en autarcie, loin des préceptes de l’empire Britannique.


Enfin bref…


The Wicker Man est conforme à sa réputation. Ce fût une longue et angoissante plongée au sein de cette communauté, à en découvrir les coutumes et mœurs, jusqu’à son inévitable fin.


Il m’a fallu du temps pour la découvrir. Je l’ai savouré, en étant rapidement pris par son ambiance, avec le désir de redécouvrir l'œuvre dans une salle obscure. Je la classe parmi les classiques du genre qui ne semblent pas souffrir des affres du temps comme Halloween, L’Exorciste, Carrie, Shining, The ThingMassacre à la tronçonneuse.

easy2fly
7
Écrit par

Créée

le 16 sept. 2021

Critique lue 75 fois

Laurent Doe

Écrit par

Critique lue 75 fois

D'autres avis sur The Wicker Man

The Wicker Man
Sergent_Pepper
8

Days of Heathen

Un film aussi jubilatoire et anticonformiste que The Wicker Man peut avoir un effet inattendu : faire de nous des réactionnaires, tentés que nous sommes d’entonner la ritournelle du « c’était mieux...

le 6 juin 2017

74 j'aime

5

The Wicker Man
toma_uberwenig
10

Come. It is time to keep your appointment with the Wicker Man.

S'il n'en restait qu'un, ce serait celui-ci, presque sans hésitation. Et je profite du fait que ce soit le 1er mai, date au centre de l'intrigue du film, pour me décider à en parler. Tout commence...

le 1 mai 2011

74 j'aime

27

The Wicker Man
Lilange
8

Culte phallologique

Au milieu des eaux brumeuses, Un oiseau d’acier tracasse, Une île aux mœurs houleuses; Bienvenue dans ma paroisse. Être droit, de vertu rigoureuse, Blindé volontiers sous ta carapace De sainte morale...

le 31 janv. 2017

34 j'aime

10

Du même critique

It Follows
easy2fly
4

Dans l'ombre de John

Ce film me laissait de marbre, puis les récompenses se sont mises à lui tomber dessus, les critiques étaient élogieuses et le genre épouvante, a fini par me convaincre de le placer au sommet des...

le 4 févr. 2015

63 j'aime

7

Baby Driver
easy2fly
5

La playlist estivale d'Edgar Wright à consommer avec modération

Depuis la décevante conclusion de la trilogie Cornetto avec Dernier Pub avant la fin du monde, le réalisateur Edgar Wright a fait connaissance avec la machine à broyer hollywoodienne, en quittant...

le 20 juil. 2017

56 j'aime

10

Babysitting
easy2fly
8

Triple F : Fun, Frais & Fou.

Enfin! Oui, enfin une comédie française drôle et mieux, il n'y a ni Kev Adams, ni Franck Dubosc, ni Max Boublil, ni Dany Boon et autres pseudos comiques qui tuent le cinéma français, car oui il y a...

le 16 avr. 2014

52 j'aime

8