The Young Lady, intéressant questionnement moral.

Jeune mariée, Katherine vit avec son mari sur une grande et riche propriété perdue au milieu de l’Angleterre. Rapidement abandonnée dans sa demeure, elle tombera amoureuse d’un palefrenier et sera prête à tous les sacrifices pour préserver cette histoire passionnelle.


The Young Lady, de son vrai titre « Lady Macbeth », nous introduit dans la sombre demeure de Katherine et de son époux, parti de ses terres pour régler une mystérieuse querelle avec ses ouvriers. Livrée à elle-même, l’héroïne doit subir les attaques répétées de son beau-père, être détestable qui veut voir son lourd patrimoine revenir à un héritier, faisant pression sur l’intéressée pour qu’elle consomme son mariage. Dès les premières séquences du film, un climat anxiogène s’impose immédiatement, plongeant le spectateur dans le marasme vécu par Katherine. Sans cesse rabaissée à sa condition de femme et d’épouse, celle-ci se fane progressivement dans cet univers hostile, soumise au contrôle permanent de sa femme de chambre et à l’enfermement que lui impose les deux hommes de la maison. Heureusement pour elle, sa condition ne tardera pas à changer avec le départ successif de son mari et de son beau-père, tous les deux appelés à l’extérieur de la propriété pour un temps indéterminé. Ce virement de situation permet à l’héroïne de goûter à la liberté et de s’évader dans la nature environnante, plaines humides de l’Angleterre rurale qui nous rappellent, et ce n’est pas un hasard, le Macbeth de Justin Kurzel. Ces moments de liberté, ainsi que l’idylle passionnelle rapidement consommée liant Katherine au palefrenier du domaine, permettent au récit de prendre des couleurs, au sens littéral avec l’utilisation de lumières naturelles et chaudes, et au sens figuré avec l’épanouissement de son héroïne. Cette histoire d’amour permet à la jeune femme de s’épanouir, enfin désirée et aimée par un homme.


C’est dans cet acte subversif que Katherine révèle sa vraie nature et permet à l’actrice Florence Pugh de démontrer tout son talent. Animée par un désir insatiable, la jeune femme promet à Sebastian fidélité et amour éternels, vœux qu’elle entend bien tenir face à n’importe quel obstacle. Le destin des deux amants ne tardera pas à les mettre à l’épreuve et révèlera le caractère ambivalent de Katherine. À la fois charmante – en raison de sa naïveté, de son énergie mais également de sa beauté étourdissante – l’héroïne se révèle également machiavélique, dans son inclination à la violence mais aussi dans son égoïsme froid et calculateur. Alors que les menaces s’enchaînent, l’œuvre verse dans une noirceur de plus en plus insoutenable, se parant d’une photographie des plus sombres, dans un huis-clos se limitant aux abords de la propriété et baigné dans des tons très – trop – lugubres. Confrontée à un nombre incroyable de difficultés, Katherine déploie une ingéniosité sidérante et diabolique, se montrant prête à tout pour conserver celui qu’elle aime auprès d’elle. Un désir ardent qui finira par se retourner contre elle et à empoisonner sa relation, auparavant source d’épanouissement pour les deux amants. Désormais maîtresse de son destin, la jeune femme n’en demeure pas moins prisonnière d’un amour qui la dépasse et finit par briser l’équilibre précaire qui maintenait son bonheur à flot.


The Young Lady est un film intéressant, en raison de son scénario et de sa mise en scène, orchestrée autour de l’enfermement paranoïaque des deux amants et d’une succession effrénée et angoissante de crimes prémédités avec froideur. Portée par une actrice talentueuse, l’œuvre est cohérente, sombrant progressivement dans un climat de plus en plus anxiogène, questionnant la moralité et le bien-fondé des motivations de son héroïne. Sans fausse note, le film n’en demeure pas moins trop lugubre et pesant, nous laissant quelque peu perplexe quant à l’avis global que l’on doit en tirer. Un bon film donc, mais dont la noirceur finit par étouffer, tout comme Sebastian avant nous, piégé dans un amour qu’il subit plus qu’il ne goûte.


Scotchés

Scotches
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le 12 avr. 2017

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