La dernière fois qu'un film m'avait accompagné pendant plusieurs jours, c'était "La Danza de la Realidad" de Jodorowsky, une claque monumentale, il y a un peu moins de trois ans, fin 2013... Samedi dernier, j'ai vu "Théo et Hugo dans le même bateau", et ce matin j'ai posé mes impressions en trois actes, car la petite musique de ce quatuor et de leur équipe me trottait régulièrement dans la tête...


Acte 1: AVANT


Quel exercice ! Réaliser un film sur le désir et le créer de façon si intense lors de la promo… D’articles en interviews, on nous parle (un peu trop peut-être ?) de la scène d’ouverture, on en apprend à chaque fois un peu plus, de la scène non simulée aux détails livrés par les deux acteurs qui nous font prendre conscience qu’en effet ils ont fait l’amour devant la caméra, ne jouons pas sur les mots, je me dis que ces quatre là sont super gonflés. Et donc, après deux semaines d’attente où je n’étais pas à Paris, me voilà muni de mon petit billet, j’entre au MK2 Beaubourg en plein après-midi au mileu de quelques garçons, de couples de tout genre et quelques mamies du quartier, leur sac à main sur les genoux. Je vais voir Théo et Hugo…


Acte 2: PENDANT


Le film commence par la fameuse scène… C’est beau, très beau, c’est ludique, ce n’est jamais glauque, c’est même pudique quand la caméra nous montre une fellation dans ce qu’elle a de plus amoureux et choisit un angle discret pour ne pas déranger la naissance de l’amour. Et puis Tony et Maria … Pardon, Théo et Hugo se rencontrent enfin (évidemment on pense à West side story), le sexe fièrement dressé au milieu d’un lit à partouze qui se pare d’une pure blancheur, arborant un sourire empli d’extase. Voilà, ils se découvrent, jouissent et sortent… (Ducastel et Martineau aiment les garçons et passent cette « épreuve » haut la main, loin du « sulfureuse » souvent accolé à leur bande-annonce).


Et là, on va les suivre jusqu’au petit matin, mais on a déjà envie de ne plus les quitter tellement cette rencontre est jolie et touchante. Hugo, empreint d’un romantisme lyrique très 19ème (siècle, pas arrondissement…) glorifie le sexe de son amant, leur manière de faire l’amour et lui déclare sa flamme à mots à peine cachés… Patatras, le petit Théo qui révèle son inconscience, la colère d’Hugo et l’aveu de sa séropositivité d’une manière détournée pendant le coup de fil à Sida Info Service… Première rupture qui nous laisse désarmés…


La scène de l’hôpital n’est absolument pas, contrairement à ce qui a été dit ça et là, un spot pour Sida info service. Les situations sont justes et les deux garçons posent les bases de ce que sera leur amour… La culpabilité, la peur, l’acceptation, le soutien et l’accompagnement, tout est là, encore pudique, jamais moralisateur, juste une connerie faite à deux… Première petite larme devant la franchise d’Hugo, douce et responsable…


Et voilà que la course dans Paris continue à pied, ils se découvrent, courent, se chamaillent à nouveau, s’aiment, font des rencontres et arrivent chez Théo. La déclaration d’Amour d’Hugo est belle, sensible, bien écrite, le phrasé est impeccable, les intonations presque théâtrales. « Et après… Et après… » dit Théo qui se laisse aller à son tour… Et paf, deuxième larme, putain que cette scène est belle !!! un petit détour par Orphée, il est six heures, leur histoire peut commencer, générique.


Acte 3: APRÈS


Je sors, il fait grand jour ! Je suis étonné, je viens de passer la nuit dans Paris… Et je pense… Que Ducastel et Martineau nous livrent là un de leur plus bel opus, toujours empreint de ce phrasé si particulier qui est le leur, de leur vision de l’Amour, des sens et des relations humaines. On peut en effet parler de la nouvelle vague, de références nombreuses, mais c’est surtout, au bout de leur parcours de cinéastes, un style reconnaissable et un univers qui s’affirme. Et la maîtrise de la caméra, impeccable, belle, intelligente, pudique. Les deux acteurs sont beaux, émouvants, justes, s’emparent d’un texte faussement naïf pour jouer des situations qui ne le sont pas. On sent que ces deux là maitrisent ce qu’ils ont appris au théâtre !!!


Voilà, on ne sait toujours pas comment ces quatre là ont pu repousser la performance d’acteur à la lisière d’une sexualité « jouée », mais on s’en fout, ça leur appartient. On aime Théo et Hugo, on aime Ducastel et Martineau, on aime aussi Geoffrey et François pour nous avoir offert cette histoire avec tant de vérité.


Merci les garçons.

Esteban75018
9
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le 27 mai 2016

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Esteban75018

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