Paul Thomas Anderson compte certainement parmi les réalisateurs les plus talentueux de sa génération. Cinéaste à la coule se promenant littéralement de film en film P.T. Anderson signe en 2007 There Will Be Blood, véritable quintessence du Septième Art doublée d'une noirceur aussi profonde que le pétrole...
En un mot comme en cent ce cinquième long métrage tient de la pièce maitresse brillante et fascinante. Tout dans There Will Be Blood s'articule en une vision d'ensemble tenant du chef d'oeuvre perfectible, terrible et sidérant. Des vingt premières minutes sonores mais muettes présentant le notoire Daniel Plainview ( Daniel Day-Lewis, LA définition d'une composition dramatique tenant du pur génie ) à l'épilogue grand-guignolesque donnant raison à l'avertissement intrinsèque à son intitulé There Will Be Blood semble convoquer Stanley Kubrick à notre imaginaire, dépeignant des personnages foncièrement mauvais, cyniques et froids lorsqu'ils ne sont pas tout simplement lâches, fourbes et/ou intéressés.
Construit autour de la confrontation de ses deux figures principales ( le redoutable et sans scrupules exploitant Daniel Plainview d'une part, l'extravagant prédicateur Eli Sunday d'autre part ) There Will Be Blood joue en permanence sur la symbolique très prononcée des éléments de son récit et sur la duplicité de ses personnages. Ainsi Eli Sunday ( Paul Dano, remarquable en cabot veule et présomptueux ) se voit littéralement dé-doublé par son frère Paul dès la première demi-heure de ce drame crépusculaire, pariant sur l’ambiguïté d'une gémellité ou d'une potentielle schizophrénie. De la même façon Daniel Plainview sera d'abord représenté comme un père aimant puis comme un paternel haineux reniant la chair de sa chair aux confins du métrage ; par ailleurs le personnage de Henry Plainview, faux-frère de Daniel, n'est rien de moins qu'un avatar familial témoignant de la cruelle supercherie brillamment fomentée par Paul Thomas Anderson : celle d'un film montrant un homme ( Daniel Plainview ) n'étant rien d'autre qu'un individu carriériste qui finira aussi seul qu'au commencement de son parcours.
Peu ou prou de figures féminines au coeur de ce vrai-faux western hypnotique ( à peine une jeune fille au nom biblique de Mary, surtout présente pour la beauté du geste, ou par simple humour noir...), d'une violence d'abord sourde et latente puis finalement complètement délirante et jubilatoire. There Will Be Blood parle de calculs et de manipulation humaine, de dévots hystériques et de businessmen carnassiers, de l'opium du peuple et du sang des élus... Un véritable chef d'oeuvre donc, plastiquement superbe et musicalement délectable ( Jonny Greenwood, Brahms, Arvo Pärt ). Inlassable et intarissable.