Bon, j'étais très curieuse de voir ce film, d'une Old Boy m'avait franchement interpellée, de deux la thématique du vampire revisitée à la sauce coréenne m'intriguait fortement...

Le point de départ est original dans le genre: un prêtre, dont l'existence se veut vouée à la compassion et au respect de la vie, devient un vampire presque par erreur, et se voit entraîné dans les folies de la passion et de la chair, personnifiées en la personne de la fille adoptive de la tailleuse chez laquelle il vient jouer au mah-jong une fois par semaine. Le film devient leur histoire, spirale inexorable de démence et de sang.

Que dire? Thirst est un film noir, glauque, voire franchement dégoûtant à certains moments, mais un genre de fascination morbide pousse à le regarder jusqu'au bout. Pas de concession pudique face au désespoir de ces deux destinées condamnées à errer dans la noirceur. On est bien loin du vampire golden boy, bon ou mauvais, chaque scène est présentée crûment au regard, mais sans que jamais la profonde in/humanité des deux protagonistes ne soit éclipsée.

De ce côté la bande-son, particulièrement horripilante, sert magnifiquement le malaise que l'on ressent. Liquide, répugnante, chaque succion et chaque goutte de sang se détachant clairement sur une musique quelquefois franchement décalée par rapport au contexte, elle fait grincer des dents à de nombreuses reprises. Pour autant, Thirst ne verse pas dans le cheap, et toute cette mise en scène dessert efficacement une fresque au vitriol de cette vie de vampire bien loin du conte de fée.

Le film n'est pas pour autant exempt de défauts, le scénario sera loin de vous tenir en haleine, on décroche même parfois, cependant l'intérêt réside ailleurs. Le développement des personnages est particulièrement efficace, l'homme et la femme se révélant aux antipodes dans leur manière d'appréhender la non-vie: tandis que le premier lutte autant qu'il le peut contre sa nature, la seconde l'embrasse avant même son commencement, sans barrières morales ni retenue d'aucune sorte. Un portrait en clair-obscur s'esquisse ainsi tout au long de la pellicule, et nous entraîne dans les égarements de l'âme humaine, là où le monstre se terre.

Toujours, et ce malgré les divergences marquées dans leurs comportements, le tourment reste le fil rouge de l'histoire, et toujours le décalage se manifeste: entre l'impunité dont leurs crimes jouissent et les cauchemars qui les retrouvent "jour" après "jour" au fond de leur lit, entre la vacuité nauséeuse de leur existence et la violence qui les anime, entre le paradis qu'ils souhaiteraient atteindre et l'enfer auquel ils se promettent. Entre amour et haine aussi, lorsque l'un cherche la rédemption là où l'autre s'oublie dans la monstruosité.

Profondément noir dans sa narration et sa photographie, il nous laisse un drôle de goût dans la bouche. On ne peut pas "aimer" ce film, mais il ne laisse pas indifférent. Et pour peu que ses apparences pénibles ne rebutent pas, on suit jusqu'à la dernière goutte les traces laissées par cette histoire de vampire, aussi cynique et décalée que le sujet dont elle traite.
Nofeelin
9
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le 3 mars 2011

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