Thor affronte l’elfe noir Malékith pour la possession de l’Ether, une arme surpuissante menaçant d’engloutir l’univers. Pour contrer cet adversaire de taille il va devoir s’allier avec son malfaisant de frère, Loki.
Pour commencer un petit détour par le cheminement de création mouvementé qui s’avérera instructif pour comprendre dans quoi on a mis les pieds (oui oui). Aux commandes du projet, Alan Taylor, venu du monde des séries, et pas n’importe lesquelles puisqu’il a orchestré notamment des épisodes des Sopranos et de Game of throne. On était donc en droit d’en attendre une certaine qualité et pourquoi pas une vision personnelle du super-héros asgardien.
Hélas trois fois hélas ! Accrochages et différents artistiques avec Kevin Feige (grand manitou Marvel chez Disney), grosses tensions sur le tournage, pendant des semaines le navire Thor a tangué dangereusement. Finalement c’est Joss Whedon (réalisateur d’Avengers et désigné comme responsable de la cohérence dans la phase 2 de Marvel) qui fut parachuté pour réécrire puis retourner plusieurs scènes de la fin du film, Taylor étant de son propre aveu débordé. C’est un sacré bordel et je n’ai même pas encore parlé du film…je vous rassure ça reste cohérent avec ce qui précède.
Sans rire Thor le monde des ténèbres est plus que décevant, il est franchement raté et ce sur de nombreux plans.
En premier lieu Taylor et son équipe doivent assumer un saccage de l’héritage laissé par Branagh. Le réalisateur anglais avait dans le premier opus mis en place une vision très intéressante du comic, dans le visuel asgardien, mais aussi dans le traitement fidèle des personnages, le respect des références et s’autorisant même à densifier intelligemment le rôle de Loki. Ici Asgard se voit affubler de bonnes idées mal exploitées (les vaisseaux en formes de drakkars par exemple) mais surtout de mauvaises ou plutôt de non-idées visuelles rendant l’ensemble fade et franchement cheap.
Les personnages connaissent un traitement tout aussi superficiel. Le trio palatin (les trois compagnons d’armes de Thor) et Sif la valkyrie sont sous-exploités, réduits à la portion congrue de faire-valoir sans épaisseur. Et je ne parle même pas d’Hemdhal et Balder le Brave. Malékith enfin, grand méchant du film, personnage marginal dans la saga dessinée, est ici sans charisme aucun, se contentant de postures stéréotypées. Aucun intérêt. Seul Loki s’en sort avec les honneurs même s’il joue la même (et très bonne) partition que dans Avengers.
Décors, personnages sont donc effectivement très faibles mais cela n’est pourtant que l’arbre qui cache une terre en jachère : le scénario et la mise en scène.
Quel ennui, quel profond ennui ! Un scénario simple n’est pas forcément gage de désintérêt, mais un scénario stéréotypé mal mené est bien la promesse d’un naufrage. Tout est d’un prévisible effroyable, porté par un rythme affreusement lent et creux à la fois. La partie londonienne du film (je n’ai pas parlé des acteurs qui « jouent » dans cette partie à dessein) n’a ni queue ni tête, cherchant simplement à occuper le terrain de l’humour là où Asgard serait le pendant dynamique. L’alchimie ne prend à aucun moment.
Reste alors encore deux éléments à charge contre le film : la fin et la place de l’humour.
Le dernier tiers du film prend ainsi un tournant radicalement différent, l’action se fluidifie davantage, devient même plus inventive, mais c’est déjà trop tard. L’équilibre général est brisé et rien ne peut redresser la barre, surtout pas une bataille finale au cœur de Londres dont on voit bien qu’elle a été faite à la va-vite (les effets visuels sont d’ailleurs vraiment pas au niveau). C’est bien Whedon qui a repris cette séquence, cela se sent très distinctement, de la qualité de la mise en scène à l’imagination qui transparait dans les scènes, seulement le tout est trop brouillon et au final trop peu cohérent pour rattraper un ensemble désastreux.
Quant à la place de l’humour les productions Marvel ont d’ordinaire cette grande qualité de savoir le doser intelligemment pour mettre une distance à la fois nécessaire pour un comics et pas trop pesante pour la structure générale (je vous renvoie au premier Thor, à Iron man, Captain america et Avengers, modèle du genre). Ici cette mise à distance est maniée si grossièrement que l’on tombe dans le risible très vite et de plus en plus intensément au fur et à mesure du film ! L’apogée étant la séquence finale confinant à l’absurde pure et simple.
Bref pas la peine de s’acharner davantage, Thor le monde des ténèbres est une très grande déception ni plus ni moins. Film calibré et mal calibré il échoue évidemment à dynamiser son propos mais plus grave encore il n’arrive même pas à simplement divertir tant les ficelles sont épaisses et déplaisantes.