Que reste-t-il de nos amours ? Que reste-t-il de nos beaux jours ? Une photo, vieille photo, de ma jeunesse.... Tout va bien, l'effet nostalgique est capté. Parce que tout trentenaire a connu et savouré en son temps le fabuleux Tigre et Dragon. Et comment aurait-il pu en être autrement pour tout amateur de film de sabre chinois ? Avec une véritable prouesse, tant visuelle que dans ses chorégraphies, Ang Lee avait réussi alors à redonner des couleurs à un cinéma ancien, et offrir une notoriété publique à un genre généralement destiné à un public précis. La vague autour du film aura créé nombre de merveilles que nous n'aurions jamais reçu outre-frontières sans cela (on ne citera que Hero et Le Secret des Poignards Volants de Zhang Yimou pour l'exemple) et finalement un effet de mode qui s'épuisera vite. Et à l'heure où le genre est redevenu celui d'amateurs de niche, Netflix a la bonne idée de produire une suite là où on n'a ni l'envie, ni le besoin d'en voir une apparaître. Opportunisme financier ou véritable bonne idée d'auteur talentueux ?
Oublions les bonnes intentions qui peuvent découler de tout projet, si Yuen Woo-Ping avait été brillant lorsqu'il nous avait offert le très bon Drunken Master, ou plus "récemment" Tai Chi Master, l'obsédé des maîtres s'est pris vingt ans dans la tronche, et avec eux toute la flemmardise qui va avec. Tigre et Dragon 2 est un films d'arts martiaux faible, avec autant de pathos que les péquenauds utilisant Charles Trenet à tort et à travers, à la mise en scène excessivement bancale et jamais impressionnante. À chaque combat, une coupe nette est mise pour faire un gros plan sur les coups : jamais de mouvement complet à l'écran, le cadre ne capte jamais aucune essence, il n'y a aucun intérêt à regarder ces scènes de duel tant celles-ci essaient de juste gagner en rapidité par le montage mais n'offrent au final qu'un gribouillis incompréhensible. Encore y'aurait-il un intérêt si quelque chose d'autre nous était proposé. Les dialogues sont ridicules, le choix de l'anglais comme langue principale n'offre aucune immersion (la version "mandarin" se voit en sus affublée d'une ignoble doublage jamais synchrone, bon courage aux téméraires).
Alors on se dira, quid du scénar ? Objet inintéressant d'un film de sabre tant il ne sera que prétexte à offrir du visuel, il pourrait au moins se permettre de proposer un fil conducteur qui accroche au moins par une empathie envers un ou des personnages. Étant donné que le casting, ici pour des raisons obscures, a bien compris la vanité de ce qu'on lui demande et donne le minimum en s'en foutant royalement (Jason Scott Lee en tête), on n'a p as grand chose qui retienne nos doigts d'appuyer sur la touche stop de l'appli à addictions. L'impression de revoir surtout une version beta de Tigre et Dragon premier du nom persiste. L'arc narratif est exactement le même, et les personnages sont balancés là vulgairement pour bien nous faire comprendre qu'on est dans une suite. Au-delà de ça, une épée tout droit sortie d'un éjaculat du chef op de Thor Ragnarok, avec sa garde fluo et son design Toys 'R' Us, des clampins qui planent pour faire écho, et Michelle Yeoh qui vient faire trois poses et répliques.
Pourtant, il est vrai que dernièrement, avec notamment Ip Man qui n'aura ici en commun que Donnie Yen, certains films d'arts martiaux ont réussi à montrer que le genre en avait encore dans le ventre. Quand on voit que par contre, c'est La Grande Muraille qui est offerte au grand public, on se dit que ce n'est plus une poutre, mais bien la baraque entière que les studios ont dans les yeux.