Tintarella di luna
4.8
Tintarella di luna

Court-métrage de Gaspar Noé (1985)

Premier court-métrage de Gaspard Noé, Tintarella di Luna est un film obscur dans lequel apparaissent déjà les premières directions du futur grand œuvre du cinéaste, et notamment cette idée d'une solitude insurmontable au cœur d'un monde définitivement refermé sur lui-même. Le film a circulé dans de nombreux festivals avant d'être acquis par Canal + pour une diffusion en ouverture de séance avant le culte Eraserhead de David Lynch, consécration inaugurale pour le jeune réalisateur franco-italo-argentin.



Noir et blanc granuleux et contrasté qui dévore les corps et les visages,



plonge les nuits dans une obscurité dense d'angoisse et joue l'hommage lointain à l'expressionnisme, l'image n'est là que pour enfermer plus avant la population de ce village ravagé et clos. Et le passage final à la couleur vient définitivement confirmer l'idée. Le travail du son semble ici balbutiant et pourtant la cruauté simple des dialogues annonce déjà les rôles de Philippe Nahon dans Carne et Seul Contre Tous. Il y a la musique encore, mélancolie lancinante aussi éraillée que l'image est grossière – probablement là pour nous dire combien le temps inflige sa marque irrémédiable d'usure, sur les corps et les âmes, sur les rêves et les espoirs.



«  Tu crèveras avant même de savoir ce que c'est que l'amour. »



Alors évidemment l'amateurisme des comédiens paraît dénaturer le propos, ronger le rythme, mais c'est aussi là une des essences du cinéma de Gaspard Noé qui prend forme : cette urgence d'aller saisir les portraits inconfortables de déclassés, les voix et les combats chimériques et quotidiens de ceux qui, aux yeux d'une élite dédaigneusement supérieure, ne sont rien.
Jalon initial des expérimentations cinématographiques de l'auteur, *Tintarella di Luna* peut dérouter par sa forme autant que par l'apparente vacuité de son propos – une femme assassinée sur le chemin du retour nocturne par un affamé décidé à lui subtiliser les trois patates gagnées au corps à corps dans les bras de l'épicier – et pourtant, à qui sait lire les obsessions de **Gaspard Noé**, tout est déjà là, en germe, de son travail à venir : importance du cadre et de la lumière, nécessaire travail sonore sur plusieurs couches, misère mise en lumière aux frontières de ce qu'il est acceptable ou non de donner à voir, appétit vorace de l'homme et, surtout,


l'irréversible solitude des êtres à qui même dieu n'offrira jamais aucun salut.


Créée

le 12 janv. 2021

Critique lue 112 fois

1 j'aime

Critique lue 112 fois

1

D'autres avis sur Tintarella di luna

Tintarella di luna
Matthieu_Marsan-Bach
6

Sous la Lune, Rien Jamais ne Brille

Premier court-métrage de Gaspard Noé, Tintarella di Luna est un film obscur dans lequel apparaissent déjà les premières directions du futur grand œuvre du cinéaste, et notamment cette idée d'une...

le 12 janv. 2021

1 j'aime

Du même critique

Gervaise
Matthieu_Marsan-Bach
6

L'Assommée

Adapté de L’Assommoir d’Émile Zola, ce film de René Clément s’éloigne du sujet principal de l’œuvre, l’alcool et ses ravages sur le monde ouvrier, pour se consacrer au destin de Gervaise, miséreuse...

le 26 nov. 2015

6 j'aime

1