[ATTENTION GROS SPOILERS!!!]
Cela ne vaut pas vraiment la peine de parler de ce film, qui a, qu'on le nie ou pas, de très gros défauts. Le scénario est délirant (on parle quand même d'une scène d'amour entre une femme et une voiture!!:), les invraisemblances sont énormes (comment croire que personne ne reconnaît une femme qui se fait passer pour un homme, que la police ne pose pas deux ou trois questions élémentaires avant de présenter un.e inconnu.e à un père qui a perdu son fils? Entre autres), et la violence extrême y est présentée comme un divertissement agréable et comique (le type écrasé par un tabouret, c'est censé être drôle?!), ce qui m'a mis mal à l'aise, j'ai vraiment cru qu'on était revenu au temps des spectacles du cirque où le public se réjouissait de voir des chrétiens se faire déchiqueter. Néanmoins, il faut reconnaître les qualités du truc, Vincent Lindon est comme toujours excellent malgré un rôle très caricatural,, les autres acteurs.trices pas mal du tout, la mise en scène est soignée et parfois intelligente, les scènes où l'héroïne se retrouve avec son père sont à ce titre très intéressantes de tension larvée et de haine non-dite. Néanmoins, ces quelques qualités ne rattrapent pas les énormes défauts, et on a dans l'ensemble un film très mauvais, à tel point que le comique involontaire y est fréquent, et je me dis qu'il n'y a qu'en France qu'on a pu financer une erreur pareille. Personne n'a eu le courage de dire à Julia Ducorneau : "Ecoute, Julia, t'es une bonne réalisatrice hein, Grave c'était très bien, mais là ton scénar c'est du n'imp! Arrête de fumer de la moquette, supprime les incohérences et fais-nous un truc qui tient la route!" Aux USA ou ailleurs, un tel scénario n'aurait jamais trouvé de financement, et c'est bien là que réside le problème du cinéma français, où on privilégie les réseaux face à la réelle qualité, où on glorifie le statut du réalisateur qui a toujours raison, mais passons, c'est un autre sujet.
Bref, comme je dis, inutile d'en parler, les films ratés courent les rues (même si là, on a quand même une belle ratatouille!), les réalisateurs.trices qui se sont aveuglé.e.s à commettre de grosses boulettes d'écriture ou de réalisation, il y en a malheureusement plein, et ce n'est pas si grave, c'est le métier qui rentre.
Sauf que ce film a eu la Palme d'Or, et à partir de là, on entre dans une pure négation du cinéma (d'où le titre de ma critique, qui ne désigne pas forcément le film, mais le débat qui en découle). Au lieu de parler cinéma, c'est-à-dire mise en scène, direction d'acteurs, scénario, enjeux du film, etc., on va parler de sujets qui n'ont rien à voir. C'est une femme, donc c'est chouette qu'elle obtienne la Palme (même si son film est nul? Ca ne gêne personne que si le film avait été réalisé par un homme, il n'aurait rien eu?) Ce qu'on récompense, ce n'est pas les qualités du film, mais l'audace (Sauf que tout film nul est audacieux en soi, à ce moment-là). Ah oui, et c'est chouette de mettre au premier plan les films de genre (Les films de genre ont déjà leur festival à Gérardmer, et en général ils n'ont pas besoin d'être soutenus, le public y va de toute façon, et ce qui a besoin d'être soutenu, ce n'est pas le cinéma de genre, mais le cinéma tout court, celui qui privilégie le travail de la mise en scène, les scénarios, la direction d'acteurs, face à la dictature de l'émotionnel gratuit, de la scène violente facile, bref tout ce que le cinéma "de genre" représente).
Donc on en revient à des débats sociaux, sur le féminisme, le cinéma de genre, et l'intérêt de la provocation, qui sont des débats pas inintéressants en soi, mais qui ne nous parlent pas de cinéma. Je serais ravi qu'on donne plus souvent la Palme d'Or à des femmes, à condition que ce soit pour un bon film. Je serais ravi qu'on valorise plus les films de genre, car ça voudrait dire que les films de genre sont capables de qualité (ici, ça n'est pas le cas, on valorise un film de genre particulièrement nul au contraire, même Raid II c'était mieux!) Et je serais ravi qu'on fasse preuve d'un peu plus d'audace dans le cinéma français, à condition là encore de faire des bons films.
Et ce n'est pas parce qu'on parle d'un film qu'il est bien. Là, en l'occurrence, c'est parce qu'on a mis un mauvais film à la place d'un bon. C'est cela qui créé la polémique.
Bref, cette Palme d'Or est inquiétante pour le cinéma. Parce qu'on fait passer un mauvais film pour un bon, parce qu'on oublie le cinéma au passage, parce que cela met le statut de Cannes en danger, parce que cela encourage la réalisation de films médiocres voire mauvais, à condition qu'ils soient de genre et réalisés par des femmes. Le cinéma est en crise grave à l'heure actuelle, crise économique, crise financière, crise de diffusion, mais aussi crise de créativité, celles et ceux qui ont promu ce film pensent peut-être que celui-ci pourrait être une solution à cette crise, mais c'est le contraire, défendre ce genre de film, c'est nier un peu plus le cinéma, c'est réduire la place de l'art dans nos sociétés et dans nos vies, et le remplacer par du divertissement stupide, sans vraisemblance ni cohérence, au profit d'une vague audace.
Et encore, ce qualificatif d'audace est très relatif, car Cronenberg faisait ce genre de films en série il y a 35 ans, à l'époque de Scanners ou de Chromosome 3, et il n'a jamais eu la Palme d'Or, alors qu'il la mérite 100 fois plus que Julia Ducorneau. C'est quand même assez fort d'appeler audace ce qui n'est que la copie maladroite de films réalisés il y a plusieurs décennies.
Je m'arrête là. Sans doute mes propos feront-ils réagir, mais s'ils ne plaisent pas, je n'aurai qu'à répondre : ah oui mais au moins ils sont audacieux! Et toc!