à la fois dérangeant et satisfaisant...

En parlant de provocation, Paul Verhoeven ferait bien d’aller voir la dernière Palme d’Or des Alpes Maritimes. Julia Ducournau n’y va pas avec le dos de la cuillère en Titane. Et c’est une cinéaste, tout autant que Verhoeven.


On avait déjà été fasciné par Grave, une histoire plus simple, et mieux tenue. Ducournau tient les rênes de Titane plus lâche, mais le film est aussi plus ambitieux, et formellement, beaucoup plus beau.


Mais il y a ici un goût de trop-plein, une envie de trop bien faire, où chaque plan, chaque scène est censée être signifiante, d’époque. Film de genre, film sur le genre, chevauchant les ambiguïtés de la paternité et les angoisses de la maternité, formalisant le transhumanisme homme-machine ? On finit par y perdre son latin, même si, sur la scène du Palais des Festivals, Julia Ducournau a fourni une première piste en remerciant le jury de « laisser entrer les monstres* ».


Si c’est le cas, le propos est non seulement abscons, il est effroyable. Car dans sa première partie, Titane tutoie effectivement le cinéma de Tarantino, c’est-à-dire un cinéma sans âme ni conscience qui se plaît à reconstituer, de manière parfaitement « fun » – et parfaitement esthétique – toutes sortes de meurtres commis par son héroïne serial killeuse. La réalisatrice fournit dans la scène d’intro une explication très faible à toute cette violence : le manque d’attention du père vers sa fille. C’est un peu court, jeune fille ! Est-ce que, comme dans OSS 117, les serial killers auraient droit à une seconde chance ?


C’est le propos de la deuxième partie, mais paradoxalement, c’est là où le film, après de multiples sauts périlleux, se rattrape aux branches. L’arrivée de Vincent Lindon, métamorphosé en pompier, vient éteindre l’incendie moral qui commençait à gronder en nous. Pour ce père éploré, la paternité n’est pas une question de sang, mais bien de sens.


Un final très Cronenbergien viendra valider cette hypothèse en proposant une conclusion à la fois dérangeante et satisfaisante.


On restera ainsi entre la chèvre et le chou : oui, Julia Ducournau est une grande cinéaste, mais une grande cinéaste en devenir.


«* Satisfaire le besoin viscéral qu’on a d’un monde plus inclusif et plus fluide… Merci au jury de laisser entrer les monstres … »


cinefast

ludovico
7
Écrit par

Créée

le 27 juil. 2021

Critique lue 203 fois

ludovico

Écrit par

Critique lue 203 fois

D'autres avis sur Titane

Titane
Wlade
2

A tout déconstruire, rien ne reste

"Merci au jury de reconnaître avec ce prix le besoin avide et viscéral qu'on a d'un monde plus inclusif et plus fluide, d'appeler pour plus de diversité dans nos expériences au cinéma et dans nos...

le 12 mai 2023

174 j'aime

16

Titane
AmarokMag
4

Metal Hurlant

Tout comme Grave, entrée en matière plus remarquée que véritablement remarquable, Titane le deuxième long métrage ultra-attendu de Julia Ducournau se faufile dans la catégorie des films “coups de...

le 18 juil. 2021

131 j'aime

8

Titane
micktaylor78
7

De la haine à l'amour

Découvrir le deuxième long métrage de Julia Ducournau tout juste auréolé de la Palme d’Or à Cannes a forcément un impact sur son visionnage et l’attente que celui-ci peut susciter. Car si on...

le 20 juil. 2021

123 j'aime

42

Du même critique

Shining
ludovico
9

Le film SUR Kubrick ?

Après le flop public et critique de Barry Lyndon, Kubrick a certainement besoin de remonter sa cote, en adaptant cet auteur de best-sellers qui monte, Stephen King. Seul Carrie a été adapté à cette...

le 7 févr. 2011

191 j'aime

86

La Neuvième Porte
ludovico
9

Un film honteusement délaissé...

Un grand film, c’est quoi ? C’est un film qui passe sur NRJ12 (en VF mal doublée), qu’on prend au milieu, et qu’on regarde jusqu’au bout, malgré l’alléchant Mad Men S05e1 qui nous attend sur Canal à...

le 23 janv. 2011

58 j'aime

3

Borgia
ludovico
3

on y a cru pendant vingt secondes, jusqu'au générique...

C'est parti pour la série événement de Canal+. Ils sont forts chez Canal, ils ne font pas de série non-événement ! Mafiosa, Braquo, Borgia : même combat. Pour cette dernière, on y a cru pendant vingt...

le 14 oct. 2011

41 j'aime

13