Titanic, film de tous les records. 11 Oscars, 200 millions de dollars de budget (plus gros budget de l’époque sans prendre en compte l’inflation), le film à rapporté plus de 2 milliards de dollars à travers le monde, un véritable phénomène, mais le ravissement d’antan s’est depuis atténué, voir inversé. Beaucoup ne voient en lui qu’un film catastrophe à gros budget et à l’eau de rose. L’intérêt du film ne réside pas particulièrement dans le fait de voir un bateau couler, James Cameron expédie ces informations dès le début afin de se focaliser sur l’histoire de Rose, lors d’une séquence informatique en image de synthèse où les phases de l’incident sont énumérés. L’idée n’est pas de savoir ce qui est arrivé mais plutôt de savoir comment cela va arriver. Ce qui compte ce n’est pas la destination mais le voyage et le ressenti humain, qui plus est, Rose étant la narratrice, il est évident qu’elle a survécu. Il serait bien réducteur donc de ne voir en Titanic qu’une romance sirupeuse pour midinette au sein d’une catastrophe historique.


Titanic juxtapose le documentaire et la fiction. En effet, le début du film est une mise en abyme, Brock Lovett, coordinateur d'une équipe qui fouille méticuleusement l'épave du Titanic s’apparente à James Cameron et son équipe de tournage. James Cameron, passionné de plongée sous-marine a réellement visité l'épave du paquebot, des plans de son excursion s'intercalent avec ceux tournés en studio, à l'aide d'une maquette. Le film restitue avec minutie le moindre objet et décors du Titanic ou entourant l’histoire du Titanic, et des personnages réel se mêlent aux personnages fictifs imaginé par James Cameron, tout comme l’histoire de Rose qui se greffe aux faits historiques.


Au delà de la mise en abyme, Titanic se veut une réflexion sur le temps perdu et la mémoire affective. Le générique du film donne déjà le ton, avec ses fausses images d’archives tournées avec une caméra d’époque à manivelle, filmant 16 images par seconde. La scène se veut authentique, mais avec le regard actuel nous apparait comme un dispositif nostalgique. Ensuite le film s’ouvre sur l’épave du Titanic, sur une séquence onirique et poétique, chargée d’affects et de souvenirs, le réalisateur nous intime de pénétrer dans cet univers où le passé devient présent et le mort devient vivant, le paquebot y est montré comme l’emblème d’une époque passé, comme l’image d’une société destinée à sombrer, avec ses qualités, ses défauts, ses injustices sociales, avec l’écart disproportionné qu’il y a entre ses différentes classes sociales, en outre le paquebot est un microcosme du monde. On peut aussi y voir une métaphore sur l’idée du naufrage, le naufrage d’une époque, d’une société ou d’un individu.


Brock Lovett et son équipe poursuivent une expédition sous marine à bord des vestiges du Titanic, dont le but est de retrouver un coffre contenant un diamant, le cœur de l’océan. Malheureusement pour Lovett, le diamant ne se trouve pas dans le coffre, mais on le découvre dessiné, porté par une jeune femme. Le dessin représente non seulement l’un des indices visuels parsemés au début du film, qui permet au spectateur de se préparer progressivement au retour dans le passé, mais signifie également que Cameron va faire resurgir cette histoire des profondeurs.


Rose se manifestera auprès des chercheurs comme étant la femme sur le dessin et va leur raconter son histoire. Brock Lovett et par extension James Cameron n’ont qu’une approche factuel du naufrage, Rose va apporter la sensibilité, la prise de conscience émotionnelle qu’il manquait au chercheur et au réalisateur. S’en suit un fondu astucieux entre le paquebot tel qu’il est aujourd’hui et celui de 1912, où l’on y découvre une Rose âgée de 17 ans, élégante, conditionnée par un environnement et un mode de vie qu’elle n’a pas choisi. En effet, elle se prépare à retourner aux États-Unis pour se marier contre son gré à un riche héritier. Là où d’autres se préparent à vivre le rêve Américain, pour Rose c’est l’étouffement, elle se sent prisonnière. Sa rencontre avec Jack Dawson va lui apprendre à se libérer du poids des conventions de la bourgeoisie et ainsi de devenir maîtresse de son destin. Jack représente l’opposé de Rose, il est libre, débrouillard et pauvre, il voit le Titanic avec un œil émerveillé, désireux de rentrer chez lui, aux États-Unis.


Lasse des conventions de la bourgeoisie qui l’étouffe, Rose tente de se jeter par dessus bord, Jack la surprend et parvient à la sauver, ce qui attirera à Jack un faux geste de sympathie de la part de Cal, le futur marie de Rose, pensant le ridiculiser au tour d’un dîner. Ce qui représente le premier point d’entré pour Jack vers la bourgeoisie et surtout le cœur de Rose. Pour Cameron, le Titanic est un symbole social avant d’être un moyen de transport, de ce fait la scène du dîner est un parfait moyen de confronter le point de vu de Jack, sincère, ingénieux et plein de malice, aux manières bourgeoise et condescendante de ses interlocuteurs. Jack est confronté à un monde hostile mais réagit avec un bon sens de la répartie. Par la suite, Jack invite Rose au sein d’une fête Irlandaise avec les troisièmes classes, le rapport est donc inversé créant ainsi un effet miroir. En bref, durant tout le long du film un rapport de force confronte les différentes classes sociales.


Peu après que Rose et Jack aient consumés leur amour, le paquebot finit par heurter inexorablement l’iceberg. Cette scène nous rappelle que nul ne peut se hisser au dessus de la nature, au delà du microcosme que représente le Titanic, il est là aussi pour représenter l’orgueil et la vanité sans borne de l’homme, à se croire au dessus de la nature et à croire qu’il peut tout contrôler. Cal le dit lui même au début du film « Dieu lui même ne pourrait pas couler se paquebot ». Lorsque le bateau se met à couler, l’image de la huitième merveille du monde qu’il donnait en début de film s’évanouit pour laisser paraître une sorte de monstre marin.


Rose, enfuit dans les entrailles du Titanic, doit aller au plus profond du navire pour sauver Jack, menotté dans une cabine, bientôt submergé par l’eau. Des grondements retentissent, comme ceux d’un estomac, comme celui d’une bête prêt à tout avaler sur son passage. Cette scène illustre, par le prisme de la mise en scène, le combat que mène Rose. Durant cette épreuve, elle doit elle même s’accomplir pour briser ses chaines sociales. Ce qui va par la suite la conduire à se battre avec Jack et les autres passagers de troisième classe pour sa liberté.


En se replongeant dans l’univers cinématographique de James Cameron, on se rend compte que Rose représente le même type de personnage que Sarah Connor dans Terminator I et II, Ellen Ripley dans Aliens, Lindsey Brigman dans Abyss ou Neytiri dans Avatar, cet à dire, des personnages féminins forts et décisifs, qui sont égaux, voir supérieurs aux hommes. Autre fait, l’une des thématiques de Titanic est similaire à ce que l’on peut retrouver dans Terminator, Aliens, Abyss et Avatar. La confiance aveugle en la technologie, ce qui est susceptible de mener l’Homme à sa perte.


Après le naufrage, Jack, ayant joué son rôle, se laisse mourir pour Rose et est renvoyé dans le néant d’où il est apparu. Après que Rose ait conclu son histoire, Brock Lovett déclare avoir enfin compris ce que le Titanic représente réellement, il ne l’avait pas ressenti. Tout comme le public, il peut enfin le percevoir réellement sur un plan affectif, sur un plan émotionnel. La nuit venue, Rose sort de sa poche le diamant qu’elle a toujours gardée secrètement et le jette dans l’Atlantique. Le cœur de l’océan, pourtant d’une grande valeur, ne l’intéresse plus. A travers elle, le film nous déclare son détachement du matériel et du mercantile, seule la valeur humaine compte.


Pour conclure, Titanic est un film somme, qui su marquer l’inconscient collectif par son sens visuel riche et puissamment évocateur, il parvient habilement à croiser fait historique avec fait fictionnel, dans le but d’y insuffler à travers toute une mythologie, son microcosme et ses thématiques une émotion palpable et une poésie enivrante.

Teddy_Slamani
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le 7 nov. 2015

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