Pourquoi c'est une très bonne adaptation, mais un mauvais film.

Les adaptations de jeu vidéo, ce n'est pas ma came. Il faut dire que l'exercice frôle fréquemment le viol de licence, quand il ne s'agit pas tout simplement d'en faire un sport. Mais force est d'admettre, dans le cas présent, que la tentative ne manquait pas d'intérêt, et que le résultat est loin d'être dénué de mérite.


Pourquoi c'est une très bonne adaptation...
Avant tout parce qu'elle respecte les codes de la licence. Il faudrait d'ailleurs noter que les adaptations cinématographiques de TR ont toujours plus ou moins respecté l'univers de cette licence. Mais ici, c'est différent.


Différent parce que dans l'ère sombre pré-reboot, une bonne adaptation n'avait qu'à se contenter de mettre en avant une Lara Croft respectant les codes du personnage principal, et ceux qui auront lu mes critiques sur le reboot auront compris tout le bien que j'en pense. Le scénario ? Une broutille. Un détail négligeable. Angelina Jolie était comme taillée pour ce rôle, on ne va certainement pas lui enlever ça.


Dans l'ère post-reboot, la tâche est légèrement plus compliquée. Angelina Jolie incarnait bien malgré elle une image que beaucoup de femmes ont aujourd'hui envie de dépasser : casser des culs, oui, mais en pouvant s'identifier au personnage. Vous en conviendrez sans mal, nous ne sommes pas nombreuses à pouvoir nous identifier à Angelina Jolie, ni même à le vouloir. Et pour cause : cette héroïne n'a pas été créée, à l'origine, dans un but d'identification des joueuses, mais dans le simple but de satisfaire le voyeurisme supposé des joueurs. Bref, passons.


D'abord, Alicia Vikander a été très bien castée, n'en déplaise à certains journalistes de la presse générale qui se prêtent parfois à l'exercice de la critique de jeu vidéo ou d'adaptation sans savoir de quoi ils parlent. Une journaliste regrettait notamment le "ton", dirons-nous, des précédents TR, et le caractère du personnage de Lara Croft, alors incarnée par Angelina Jolie. "Oui mais madame, avais-je envie de répondre à cette arriviste, vous critiquez une adaptation à l'aune d'une version antérieure de la licence, dont il convient de faire le deuil depuis 2012". Car oui, Alicia Vikander embrasse totalement le personnage créé par Crystal Dynamics, et son esprit correspond à peu près exactement à celui qui est le sien dans le jeu : sont mis en avant son état d'esprit, ses émotions, bref, son humanité. Une humanité dont manquait cruellement l'ancienne mouture.


Ensuite parce que l'univers et l'atmosphère du film correspondent parfaitement à celui du premier opus de ce qui sera bientôt une trilogie. Difficile de rater les nombreux clins d'œil pour qui a fait le jeu, dans une film qui s'en inspire si ostensiblement qu'il est permis de se demander si Square Enix ne l'a pas en partie produit... Tout est là, l'identité visuelle du jeu y étant parfaitement restituée.


À ce stade, nous avons une "bonne adaptation", tout au plus. Mais mon titre ne vous prendra pas en traitres. C'est à mon sens une très bonne adaptation dans la mesure où elle dépasse les défauts du jeu : j'ai nommé (encore et toujours, j'accuse...) le scénario et les personnages secondaires. Le film opère deux choses que Square Enix et ses studios peinent à faire (ou à comprendre...) : un scénario correct (quand bien même il serait basique) et un panel de personnages secondaires crédibles (et débarrassé du superflu). J'appelle à la barre Mathias Vogler, aka le grand méchant du premier opus et par conséquent du film qui en est l'adaptation. Il faut encore remercier un choix judicieux de casting puisque ce n'est ni plus ni moins que l'incroyable Walton Goggins à qui a été confié la douloureuse tâche d'incarner un des personnages secondaires les plus insipides de l'histoire du jeu vidéo (une accusation renouvelée que vous trouverez dans ma critique du jeu). Ce monsieur ici présent a tout simplement élevé le rôle à des hauteurs auxquelles l'original ne pouvait pas même espérer prétendre un jour. Alors ne nous enflammons pas, ce n'est certainement pas le rôle de sa carrière, mais croyez-moi il faut comprendre d'où il part pour saisir qu'il s'agit là d'un petit miracle, rien de moins. Un scénario un peu mieux ficelé que la feuille de P-cul à laquelle on a eu droit, ajoutée au jeu d'acteur et au charisme de Walton Goggins ici-présent, c'est ce qui m'a fait jurer de rédiger cette critique (si, si. Vraiment).


Dépasser les défauts d'un jeu quand on l'adapte, il faut le faire. Et pour cette raison seulement, il s'agit d'une très bonne adaptation.


... Mais un mauvais film.
Seulement voilà, toute adaptation qu'il soit, ce film n'est pas un jeu vidéo. Je saisis à peu près la charte de départ, nécessaire à ce genre d'adaptation et au consentement des producteurs à poser leur argent sur la table. Qui dit très bonne adaptation, ne dit pas nécessairement très bon film.


Et c'est là que le bât blesse : bien trop confortablement assis sur le nom, le réalisateur a opéré une adaptation feignante, sans prise de risque, et pour le dire franchement, tarte à crever. Le début du film en découragerait beaucoup, tant le message qu'on tente de vous faire gober est chiant : regardez, c'est Lara, elle a une vie ordinaire, toussa, toussa, c'est une fille normale, comme vouzémoi. Pitié, je vais vomir. On installe un cadre plein de bons sentiments dans lequel - et sur ce point seul, je rejoins notre arriviste - l'humour ne peut pas avoir la même saveur que dans les précédents films. C'est un humour gentillet, à baffer, dont j'aurais pour ma part préféré me passer. Le film prend cette teinte, même à la fin où il en devient presque incompréhensible, vues les circonstances (à vous d'en juger).


Je trouve malgré tout trop facile de jeter la pierre à la jeune femme censée portée le film - déjà, bonjour la pression - Alicia Vikander, qui remplit sans autre prétention le rôle qui lui a été assigné, et qui le fait ma foi très bien, ni mieux ni moins bien qu'une Angelina Jolie à l'époque (et j'aurais tendance à dire mieux, tant le panel d'émotions est plus large...).


En définitive, ce n'est pas le film de votre vie, et je ne connais aucun fan de série vidéoludique qui se soit retrouvé dans la moindre adaptation. Tout en reconnaissant le mérite du travail accompli ici, il ne s'agit ni d'un chef-d'œuvre, ni d'un bon film. Je repense parfois à la seule adaptation qui trouve encore grâce à mes yeux à ce jour, celle de Silent Hill (et ce n'était pas rien), devant laquelle sans pour autant être fan de la série, je ne pouvais que tirer mon chapeau. Mais c'est une autre histoire...

Camiille
6
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le 19 juil. 2018

Critique lue 264 fois

Camiille

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