Tomb Raider: Une adaptation bien vide, mais presque sauvée par sa nouvelle héroïne : Lara Vikander

Nous y voilà. Après le reboot, en 2013, de la série à l’origine du personnage féminin le plus célèbre du jeu vidéo, voici maintenant venir la refonte cinématographique, quinze ans après le Berceau de la Vie de Jan de Bont. On pourra dire sans trop de risques que la renaissance de Lara Croft manette en main s’était plutôt bien passée, en dépit de quelques regrettables sacrifices qui auront eu raison de certains fans de la première heure. Mais l’exercice pouvait légitimement paraître plus périlleux sur grand écran, le passé n’ayant que trop rarement été clément avec les adaptations vidéo ludiques, notamment avec les deux premières tentatives interprétées par Angelina Jolie, qui ne jouissent pas d’une réputation bien glorieuse. D’un point de vue personnel, je n’avais pas forcément passé un mauvais moment devant le premier film de Simon West, qui sans casser trois pattes à un canard, avait le mérite d’être assez fun, et regardable par un non initié, à condition de ne pas être hermétique aux blockbusters un peu basiques. Je m’abstiendrais, par contre, de tout commentaire sur le Berceau de la Vie, déjà par ce que mon introduction s’éternise plus que de raison, mais aussi afin d’éviter de me perdre dans tout éventuel excès de vulgarité. Tout cela pour dire que l’annonce de cette nouvelle version signée Roar Uthaug partait, pour ma part, avec un double handicap. Le premier, qui anima maintes polémiques à son annonce, résidait dans le choix d’Alicia Vikander pour jouer le rôle de Lara, qui malgré des talents d’actrice qui ne sont plus à prouver, ne correspondait pas, à mon sens, au personnage d’un point de vue physique, au-delà de toute considération mammaire. L’autre point, probablement encore plus problématique, vient du fait que je n’ai jamais estimé convainquant le scénario du jeu de 2013 dont est censé s’inspirer le film qui nous intéresse ici, tant il était incapable de susciter la moindre émotion à cause du manque de travail sur ses insipides personnages (ce qui inclut Lara elle-même !), et se prenant bien trop au sérieux. C’est donc en trainant les pieds que je me suis lancé dans le visionnage d’une présumée catastrophe à la Assassin’s Creed qui, à défaut de briller, a au moins le mérite de se montrer divertissant.


Réglons tout de suite le cas Lara Croft. Très honnêtement, jamais je n’ai réussi à retrouver en Alicia Vikander la Lara que je connais, que ce soit celle de 1996 ou de 2013. On pourrait débattre jusqu’à plus soif de la taille des bonnets dont devrait être pourvue son interprète idéale, cela ne changerait pas le fait que la révélation d’Ex Machina ne correspond en rien, qu’il s’agisse de la silhouette ou du visage, à son modèle. Un avis, bien sûr, purement personnel, que son comportement rebelle et espiègle n’aide pas vraiment, tant il jure avec le caractère déterminé, mais plutôt calme de l’aventurière dépeinte dans le jeu de 2013 et ses suites. Mais sorti de ça, et comme on pouvait finalement s’y attendre, Alicia Vikander livre une prestation de haute volée, qui pourrait presque pousser les plus sceptiques à la clémence. Lara n’est peut-être plus vraiment Lara, mais le personnage décrit ici se révèle suffisamment attachant et consistant dans son registre pour que le parti-pris fonctionne malgré sa tendance au hors-sujet.


Et heureusement d’ailleurs, tant la galerie de personnages fonctions qui gravite autour d’elle oblige notre héroïne à porter le film à elle toute seule. Principal problème : un papa Croft (Dominic West) trop envahissant, qui viendra progressivement aspirer toute la substance des protagonistes susceptibles de lui faire de l’ombre. Sa plus criante victime sera sans aucun doute l’antagoniste Mathias Vogel, incarné par un Walton Goggins dont la scène d’ouverture laissait présager du meilleur, mais qui rentrera rapidement dans le rang jusqu’à ne plus pouvoir se caractériser par autre chose que d’être… le méchant. On passera par ailleurs rapidement sur l’anecdotique Lu Ren, qui après des débuts sympathiques, devra se contenter d’apparitions épisodiques le rendant aussi facilement oubliable que l’équipage que se trainait Lara dans le jeu d’origine. On pourra toujours essayer de se satisfaire des trop rares apparitions d’une Kristin Scott Thomas sans doute appelée à prendre de l’ampleur dans la probable suite, mais l’inconsistance générale de l’ensemble du casting ne fait que mettre en valeur l’échec de cette fameuse relation père/fille au dénouement plus que prévisible, et aux conséquences finalement bien faibles sur Lara.


Une vacuité qui s’étend malheureusement à l’ensemble d’un récit bien trop superficiel. Si l’on appréciera sa volonté de ne pas copier/coller celui du jeu de base afin de s’octroyer quelques libertés de narration, le manque de prises de risques vient trop souvent nous faire ressentir son statut de prologue. Ainsi, outre l’inconsistance de la quasi-totalité des personnages, le film survole la plupart des éléments de son intrigue. On apprend donc bien vite qu’il est censé être impossible de quitter le cadre principal commun au film et au jeu, à savoir l’ile de Yamatai. Pourquoi ? Parce que. Si l’on nous dit clairement que la mer en colère en complique l’accès, personne ne mentionnera jamais ce qui empêche à ce point quiconque d’en sortir. Des règles sans grand intérêt, de toute façon mises à mal par la magie des voies aériennes. Soit dit en passant, on pourra s’étonner que toute notion de surnaturel soit évoquée avec autant de discrétion, ce qui confine à l’aventure des tendances réalistes quelque peu inappropriées. On a également droit à quelques énigmes qui partent d’une bonne intention. Mais plutôt que de les intégrer à la manière d’un Indiana Jones, en les travaillant un peu et en faisant participer le spectateur à leur résolution, les scénaristes ont hélas jugé bon de les simplifier à l’extrême, voire de ne pas les expliquer, annihilant par conséquent leur pertinence. On pourrait aussi s’attarder sur un certain nombre de raccourcis (Lara qui devient soudainement championne d’alpinisme sans qu’on sache pourquoi), et d’incohérences (Lara qui aurait pu se débarrasser du méchant et appeler du renfort, mais s’abstient parce qu’arrêter un long-métrage au bout d’1h15 n’est pas assez vendeur), mais ces détails paraitront finalement bien peu de choses à certains, au regard du talent de Roar Uthaug pour combler les vides.


Car s’il y a bien une chose que l’on peut accorder au réalisateur Norvégien, c’est bien son savoir-faire en matière d’esbroufe. De ce fait, et probablement conscient des faiblesses inhérentes à l’écriture, il gave son film de scènes d’action en tout genre, utiles ou non, espérant ainsi en accélérer artificiellement le rythme. Et le pire, et même si l’on a conscience de l’évidente escroquerie de la démarche, c’est que ça marche. Aussi inintéressante que puisse être cette scène où Miss Croft joue au loup sur un vélo, aussi hors sujette que paraisse cette course poursuite avec trois jeunes voleurs Hongkongais, ou aussi fan-service qu’apparaisse la séquence de l’avion, on se laisse happer par une mise en scène propre qui fait passer la pilule sans trop de mal. Et c’est sans doute grâce à cela que Tomb Raider trouvera grâce aux yeux d’un certain nombre. Car bien que souvent plombé par un scénario assez faible, le long-métrage parvient régulièrement à compenser en y injectant suffisamment de moments funs pour éviter l’ennui.


Accordons une chose à ce Tomb Raider nouvelle génération : en dépit des préjugés que je pouvais en avoir et de ses évidentes faiblesses, il ne m’a pas fait passer un mauvais moment. Alors certes, je n’adhère pas spécialement à cette vision de Lara Croft, à mon sens trop éloignée de l’originale. Le récit, sous ses airs de prologue, se révèle souvent vide et maladroit dans le peu qu’il a à dire, et l’ensemble m’a finalement paru bien vain une fois le visionnage terminé. Mais il serait malhonnête de ne pas saluer la performance impeccable d’Alicia Vikander nonobstant mes réticences à l’égard de cette nouvelle Lara, d’ignorer la réussite de la mise en scène dès qu’il s’agit d’enchainer les morceaux de bravoures, ou tout simplement de nier le côté grand spectacle assez réussi, qui a su l’espace de presque deux heures, me faire oublier les errances du scénario. Ce Tomb Raider cru 2018 n’en devient pas un bon film pour autant, les réalités balayant bien vite les agréables vertus éphémères du plaisir coupable, mais Roar Uthaug et son équipe ont au moins su me divertir, ce qui, au regard de certaines purges récentes, n’est déjà pas si mal.

Arnaud_Lalanne
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le 21 sept. 2018

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Arnaud Lalanne

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