Tomboy m'avait bien tenté lors de sa sortie au cinéma, mais c'est à l'occasion de sa diffusion sur Arte hier que j'ai pu finalement visionner ce petit bijou.
C'est une coïncidence, sans aucun doute, mais ce film s'inscrit parfaitement dans une actualité brûlante relative à la théorie du genre, ce qui est plutôt une bonne chose puisque qu'il amène inévitablement à la réflexion. Apprendre que certaines associations ont tenté de faire pression pour qu'il soit déprogrammer ou entendre des parents crier au scandale... Ca me fait doucement rire.
Rien de malsain ou de bizarre dans ce film. Une justesse surprenante dans les interactions entre enfants, dans les relations familiales, dans le rapport au corps.

- spoilers -

Laure est mélancolique, mal dans sa peau. Le regard dans le vide, Laure se rêve en garçon. Son déménagement est l'occasion pour elle de devenir Michael. Michael, contrairement à Laure, joue au foot, crache, se bagarre... et embrasse Lisa.
La petite fille se confectionne un sexe masculin en pâte à modeler, bien utile lorsqu'elle doit se présenter en maillot de bain, aux yeux des autres. Après utilisation, Laure garde sa confection dans une petite boite, tel un secret qu'elle souhaite protéger le plus longtemps possible. Ce sexe qu'elle n'a pas, c'est bien là toute sa peine.

La famille a une place importante dans le film. Laure a des parents aimants dont la mère est enceinte, et une petite soeur avec laquelle elle est très complice. On est bien loin d'un cliché collectif selon lequel un transexuel a forcément été élevé au sein d'une structure familiale déconstruite.
Le physique androgyne de Laure lui permet donc de se faire passer pour celui qu'elle veut être. On se demande comment les parents ne se rendent pas compte de la problématique de Laure. Du décalage entre leur fille Jeanne, poupée aux cheveux bouclées, et Laure, coupe courte, rejettant tout ce qui est a trait à la féminité. Et finalement, par hasard, la mère de Laure découvre la vérité. Sa réaction violente m'a surprise, même si elle reste légitime. Le fait de forcer sa fille à porter une robe pour aller voir ses camarades et dévoiler la vérité m'a un peu destabilisé. J'ai trouvé cette réaction violente, au même titre que la réaction des enfants qui chercheront à vérifier physiquement si Laure est un garçon ou une fille.

Le rejet des autres est bien mis en avant dans la dernière partie du film. La peur du transexualisme et de l'homosexualité (“Si c'est une fille, tu l'as embrassé, c'est dégueulasse”) apparaît clairement, sans qu'il n'en soit fait des tonnes.
Puis, la mère de Laure met au monde un petit garçon. Pour moi, c'est un symbole fort, puisque l'accouchement fait écho à un autre accouchement : la maïeutique de Laure, la fin du secret, le début d'une nouvelle ère, d'une nouvelle phase dans sa vie. A sa façon, Laure accouche également du garçon qu'elle était. Pourtant, cette différence ne doit pas être une prétexte au mensonge, ce qui amène à cette si jolie fin : “Comment tu t'appelles ?” “Je m'appelle Laure”.
Citron-vert
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le 20 févr. 2014

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