C'est moi où c'est quand même un peu chiant?

Winfried, un allemand d'une soixantaine d'année, est un personnage fantasque. Blagueur, il passe son temps à faire des farces. Il rit de tout, ce qui provoque le grand désespoir de sa fille, une businesswoman moderne. Le voilà ce fameux Tony Erdmann ! Le film choc du dernier festival de Cannes ! La pépite absolue qui s'est retrouvée, de façon totalement injuste, snobée par le jury présidé par Georges Miller. Présenté comme un sommet d'humour et d'émotions, il semble créer un tel consensus autour de lui que j'ai un peu honte de dire que je l'ai trouvé « juste » bon ...
Je reconnais clairement que le film est plein, qu'il aborde énormément de sujet et qu'il les traite tous avec une grande intelligence. Mais voilà, j'ai au final assez peu ri et je n'ai surtout jamais été ému. Peut-être suis-je passé à côté de quelque chose, probablement même, mais je ne me suis jamais senti véritablement impliqué dans cette relation père/fille que j'ai suivie d'un œil détaché. Le souci c'est que quand on ne s'investit pas dans le parcours des personnages dans un métrage qui dure 2h40, le temps semble long ... Car oui, je me suis un peu ennuyé et j'ai souvent regardé ma montre. Même si le film gagne énormément en rythme une fois que Tony Erdmann entre en scène, il faut quand même attendre une heure pour le voir débarquer. Je pense que c'est durant cette « très » longue introduction que le film m'a perdu.
Maintenant loin de moi l'idée de dire que le film est mauvais. Que du contraire, il est assez réussi, mais il ne m'a pas transcendé. Si l'émotion n'était pas forcément au rendez-vous, il s'agit quand même d'un modèle d'écriture. Les thèmes abordés sont multiples (la place de la femme dans l'entreprise, l'émancipation des enfants vis-à-vis de leurs parents, la définition du bonheur, les limites humaines du capitalisme, le rôle de l'humour dans nos rapports humains, ...) et ils visent chaque fois juste et sont traités de manière équitable. C'est assurément, avec l'interprétation des comédiens, la grande force du film. D'ailleurs, si je suis assez d'accord avec la non-représentation du film au palmarès de la Palme d'Or, un prix d'interprétation masculin ou féminin n'aurait, pour sa part, pas été volé. Peter Simonischek mange littéralement l'écran à chacune de ces apparitions, que ce soit en Wilfried ou en Tony Erdmann. Quant à Sandra Hüller, elle assume un personnage bien plus subtil sans jamais se laisser « manger » par l'ogre que joue son père. Voilà un parallèle intéressant : les relations conflictuelles de ce père ultra-envahissant et de cette fille en quête d'affirmation résonnent véritablement au travers de ce duo d'acteurs.
Même s'il est rempli de qualités évidentes, une question est restée lancinante à mon esprit tout au long de la séance. Pourquoi Toni Erdmann a-t-il été adoré par autant de critiques ? Suis-je réellement passé à côté de l'émotion qu'il a suscitée chez les autres ? Je n'aurai probablement jamais la réponse ... Mais le constat est là, à mes yeux, il s'agit juste d'un bon film et je ne crierai en aucun cas au chef d’œuvre. Voici d'ailleurs bien les limites des critiques, un rôle facile qui ne reflète que le ressenti de son auteur. Je ne peux d'ailleurs que vous conseiller de vous faire votre propre avis, le film ayant touché tellement de monde qu'il est fort probable que votre ressenti diverge du mien.


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le 5 janv. 2017

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