Love is a stream - it's continuous, it doesn't stop.

Alors en quête de respectabilité, la Cannon se tourna vers le cinéma indépendant, et en particulier John Cassavetes, pour faire le film de son choix, sans aucune contrainte.
Pour le réalisateur, qui s'est battu toute sa vie pour réunir le budget de ses films, c'est l'occasion en or de faire sans doute pour la dernière fois, car il se savait malade, de faire ce qu'il voulait ; en l'occurrence ici, il s'agit de l'adaptation d'une pièce de théâtre éponyme, Love streams, qu'il avait mis en scène au début des années 1980.


John Cassavetes joue ici un homme seul, usé par la vie, qui va de relations éphémères en rencontres sans lendemains, et qui doit garder son fils pour quelques jours. Il est difficile de ne pas voir en ce personnage un lien avec la propre vie de Cassavetes, dans lequel l'ombre de la mort planait déjà. Les quintes de toux du personnage ne sont pas simulées, on le voit parfois souffrir à l'écran, le visage hagard, et c'est quelque part ce qui le rend précieux, car c'est quelque part le testament cinématographique du réalisateur à l'écran, car on a vraiment un pot-pourri de ses thèmes de prédilection, en particulier les rencontres entre l'homme et la femme.
Gena Rowlands joue quant à elle la sœur, ce qui ne nous est pas dit avant un long moment, et le rapport qu'ils ont peut paraitre plus que troublant, surtout du côté de la femme. En effet, on voit bien aussi qu'elle est dévastée par la vie, un divorce très difficile, et sa propre fille qui ne l'aime pas. Sa dépression, elle va la vivre auprès de son frère et quelque part lui renvoyer l'amour qu'elle voudrait déverser, tel un courant.


Gena Rowlands est encore une fois magnifique, allant très loin dans son jeu, jusqu'à une certaine gêne tellement est dans l'outrance de donner de soi. C'est aussi bien dans la scène de l'aéroport que dans ses confrontations chez l'avocat ou la fameuse Arche de Noé. Elle est toujours dans l’exubérance, car au fond, elle a peur de vivre seule, et se projette donc dans son frère.


Cet amour fraternel qui irrigue le film lui donne une couleur magnifique, par deux esquintés de la vie, qui semblent inadaptés aux contingences du monde réel. Quand on sait que Rowlands et Cassavetes furent mariés dans la vie donne quelque chose de presque fusionnel entre les deux, qui transpire à l'image.
C'est également très cruel, le regard des enfants sur leurs parents, ou les scènes à l'Opéra, mais Cassavetes donne l'impression que le monde ne peut se résumer qu'à eux deux. La dernière scène, laissant l'homme tout seul derrière une baie vitrée a de cela quelque chose de terriblement prémonitoire, comme un rideau final sur une œuvre remarquable.


En terminant ce film, dans des conditions très difficiles dues à sa santé (d'ailleurs, Peter Bogdanovich l'ai aidé sur quelques scènes), je me demande si Cassavetes savait qu'il signerait son dernier vrai film (Big Trouble ne compte pas), si empreint de son style.
D'ailleurs, pour l'anecdote, la maison du couple Cassavetes est largement mise à contribution, comme souvent dans leur filmographie...


Quant à la Cannon, même si le film n'a pas eu le succès espéré, il lui a permis de remporter l'Ours d'Or à Berlin, en point final du père du cinéma indépendant.

Boubakar
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le 23 avr. 2016

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