Vous savez, je suis sur ce site pour espionner la tête des gens, pour tenter d'appréhender le fonctionnement aléatoire des goûts. Je suis dans une totale incompréhension quand je vois un top 10 série avec The Wire en tête et Game of Thrones à côté, cette incompréhension me révulse complètement. Bien sûr, on pense chacun détenir la vérité sur ce qui est un chef d'oeuvre et sur ce qui est un truc déplorable sans nom. Bien sûr, l'histoire personnelle influence cette vérité mouvante mais l'objectivité existe quand même. L'idée qu'une oeuvre perdure dans le temps serait signe de sa qualité : "c'est un classique". Balzac, Flaubert, Kurosawa, Murnau et tant d'autres : tous ces morts voltigent toujours auprès de nous, et ce n'est pas sans raison.
Pourtant, il me semble qu'il existe un écart entre l'impact de l'oeuvre sur son époque, le contexte dans lequel elle est apparue, le pas en avant qu'elle a pu procurer à un instant précis et sa réelle qualité intrinsèque. Par exemple, j'ai vu Citizen Kane au début de mes déboires cinématographiques et je suis passée à côté de ce classique car je ne l'ai pas remis dans son contexte, ce fut un film assez lambda pour moi. C'est toute la question de l'analyse de quelque chose pour mieux la comprendre et donc mieux l'apprécier.
Je me perds.

Je n'ai jamais lu un bouquin de Philip K. Dick, pardonnez-moi seigneur. Par cette ignorance, ma vision de Total Recall est forcément différente d'un autre, ma vision de Blade Runner aussi. Je n'ai pas grandi avec ces films non plus - est-ce important ? Est-ce qu'en dépouillant l'être qui regarde, tout le monde verrait et apprécierait la même chose ? Peu importe, très certainement.
On peut dire que j'étais quelque peu dépouillée quand j'ai vu Blade Runner, je n'étais pas active sur ce site, je ne connaissais pas sa renommée, je ne savais pas grand chose de son histoire. Je l'ai vu, je me suis ennuyée, j'ai trouvé ça pauvre : l'univers est formidable certes mais aucun attachement aux personnages trop sérieux, aucun rythme dans l'histoire, l'enjeu perd de sa saveur. Je ne comprends pas pourquoi ce film est tant aimé, adulé ; expliquez-moi.
Et comme je suis la raison incarnée, comme je détiens la vérité dans mon égocentrisme culturel fou, je ne comprends pas non plus pourquoi Total Recall passe après Blade Runner. J'ai vu Total Recall comme Blade Runner, sans rien en savoir : même le nom de ce doux Schwarzy m'a surprise au générique, c'est dire.
Total Recall c'est comme Die Hard en remplaçant Bruce Willis par Arnold Schwarzenneger (maintenant que je l'aime je n'écorche plus son nom) dans un monde de science-fiction : profondément drôle et malin tout en étant très intelligent (et beau). C'est beaucoup plus jouissif qu'un Blade Runner rigide et stricte. L'humour a ce don de faire entrer son message plus vicieusement dans l'esprit des gens qui rigolent, grâce à la connivence qu'il crée avec l'autre. Pourtant, l'humour n'a pas sa place à côté des classiques, l'humour est populaire (mot vulgaire). C'est étrange.

L'art, copie de la vie, vie complexe et multiple, oeuvre monolithique sans comique est moins grande qu'une comédie dramatique...
Ecoutons Pierre Desproges : https://www.youtube.com/watch?v=B4lU0XeiRKE

Je suis intéressée et ouverte à la discussion.
slowpress
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le 3 avr. 2014

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slowpress

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