Rien ne sert de courir... on peut encore découvrir en 2019 un excellent film de 1991 passé sous ses radars. Démonstration est faite. J'en entendais parler depuis des lustres, voilà la lacune réparée, et bien réparée, car je rejoins officiellement le club des inconditionnels de la viole de gambe. Et je retire tout le mal que j'ai pu dire, dans ma grande ignorance, de la musique baroque. En fait, c'est plutôt joli. La litote ne me sert qu'à minimiser mon embarras. D'abord, cette histoire palpitante, qui pourtant se traîne à un rythme de sénateur arthritique, brille par sa profondeur, son intensité et sa fascinante obscurité. On se laisse happer par l'insondable chagrin du personnage principal comme on se laisserait attirer par le vide au bord d'une fortification inexpugnable. Sa folie devient au spectateur une lande balisée, familière, avec ses repères rassurants : la cuisine au foyer chaleureux, la petite cabane d'ermite, le modeste jardin... c'est le signe d'un cinéaste chevronné que de faire d'un monde clos fictif une géographie intime qu'on aime parcourir aux côtés de ses personnages, comme on aime revenir au jardin de son enfance. Ajoutons à cela des caractères extrêmes, dérangeants autant qu'émouvants, une époque passionnante, une langue délectable et, en prime, un motif d'élévation de l'âme aussi riche que la musique... le cocktail était taillé sur mesure. Cerise sur le gâteau, les interprétations admirables des acteurs (et pour une fois, Depardieu père ne fiche pas tout en l'air par le vide d'air qu'il provoque habituellement autour de lui, pour maintes raisons déplaisantes que je ne vais pas re-redévelopper ici...), bref, un vrai beau moment de cinéma.