A Strasbourg, Alessandro, un professeur de musique baroque, vit avec sa fille Irina, 15 ans, et son frère Crampone, militant anarchiste anti-Berlusconi. Si Irina est en pleine crise d’adolescence, Crampone se comporte lui comme un grand enfant oisif qui peint des natures mortes au contenu « politique ». Mais Alessandro commence à se lasser de son existence et de sa solitude. Il n’arrive pas surtout à se remettre de la mort accidentelle de sa femme. Une rencontre va pourtant changer sa vie…

Une ode à la vie. C’est ainsi que l’on pourrait définir le second long-métrage de l’écrivain Philippe Claudel. Mais Tous les soleils n’est pas que cela. C’est aussi un film plein de bons sentiments qui, derrière son ambiance apparemment légère, parle d’un homme en crise, proche de la quarantaine et qui sent soudain qu’il a vieilli et qu’il est seul. Sans réaliser que sa fille a grandi.


Tous les soleils s’ouvre sur un Alessandro souriant au volant de son solex. Les rues de Strasbourg sont ensoleillées. Le professeur italien semble heureux de partir enseigner à l’université. Ce parfum de flânerie et de déambulation ne quittera plus le film. On pense au Adieu, plancher des vaches ! de Iosseliani, la loufoquerie en moins.

Mais derrière l’apparente sensation de rêverie que dégage le film se cache un drame intime. Alessandro n’arrive pas à refaire sa vie depuis 10 ans et la disparition tragique de sa femme. Son frère Crampone, grand dadet paresseux, tient des discours révolutionnaires en robe de chambre, mais n’arrive plus à le distraire. Cet admirateur du Big Lebowski voudrait se faire passer pour un réfugié politique et un résistant face au pouvoir tyrannique de Berlusconi, mais c’est un peintre resté en enfance et dont le talent certain est égal au manque d’ambition. Irina l’adore et le personnage de Crampone a une réelle épaisseur dans le film.

Mais alors, qu’est-ce qui cloche dans cette comédie « gentille » à la morale légère ? Tous les soleils pêche surtout par ses manques de changement de rythme. Les descriptions sont trop longues, plombant la mise en scène et donnant l’impression au film de tourner en rond. Si Peter Brook a pu écrire qu’au théâtre, Le diable, c’est l’ennui, il semble qu’au cinéma, ce serait plutôt que le spectateur anticipe un scénario autant que celui de Tous les soleils.

Le film est pourtant porté par de très bons comédiens, Neri Marcoré (Crampone) et Stefano Accorsi (Alessandro) en tête. Avec ses grosses lunettes en écaille, Alessandro a l’air d’un clown triste, un type bien et profond qui chante dans une chorale et fait des lectures aux mourants à l’hôpital (Agathe, jouée par Anouk Aimée). Alessandro aime autant la vie qu’il a le plus grand mal à retrouver goût à la sienne. Outre la présence de ces deux très bons acteurs et de la bande joyeuse d’amis qui entoure Alessandro, l’idée originale du film est d’avoir truffé sa bande originale de Tarentelles, musiques du Sud de l’Italie dont Alessandro parle dans ses cours. Les Tarentelles étaient censées guérir autrefois les gens qui s’étaient fait piquer par une tarentule, et remettre un peu de gaieté dans leurs cœurs. Si ces musiques parviennent parfois à donner un semblant de rythme, de légèreté et de corps au film, ses longueurs finissent par peser sur la mise en scène. Dommage que la chute soit aussi mielleuse…
PepperRd
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le 28 sept. 2012

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PepperRd

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