Tout en haut du monde est d'apparence si simple.
Dès les premières images, le ton du crayon est donné: le trait effleure plus qu'il ne cisèle. un parti pris formel étonnant, et détonnant, tant l'hyperréalisme semble imprégner les conteurs numériques d'aujourd'hui.


Ce film d'animation évite en effet les détails éclatants, le croquis tape à l'œil et la précision d'orfèvre dans le déploiement de son univers. L'épure semble être le maître-mot. Une peinture numérique épanchée à grand trait, vivifiante, presque naïve . Du faste des palais Saint-pétersbourgeois aux banquises glaçantes septentrionales, chaque planche de ce dessin animé respire. Car Tout en haut du monde ne se contente pas de raconter platement une histoire, il prend vie sous nos yeux. Dès lors, une question s'impose. Pourquoi s'éparpiller à reproduire scrupuleusement les traits humains, quand une ébauche modeste, mais réaliste, vaut mille calques ? Le palpable tient plus dans la magie suggérée par les ombres et les lumières que dans la tentative de l'identique.


Sur le fond, Rémi Chayé et son équipe se sont également réduits à l'essentiel. Au 19ème siècle, Sacha, une jeune fille russe de bonne famille, entreprend de monter une expédition afin de retrouver son grand-père explorateur, disparu dans le pôle Nord. Simple. Encore. L'axe resserré, le film n'oublie néanmoins pas de tendre à l'universel. L'apprentissage de la vie, le passage de l'enfance à l'âge adulte, le voyage aussi bien intérieur qu'extérieur, pour se former. Des messages clairs, mais explorés finement, sans tomber dans une niaiserie ostentatoire. Car la pudeur baigne chaque chose dans Tout en Haut du Monde. Dans les figures comme dans les paysages. Très souvent, les personnages s'arrêtent de parler et laissent l'indicible féerie raconter les sentiments.


Le film est aussi une aventure maritime, inspirée par l'expédition d'Ernest Chackelton en Antarctique au début du 20ème siècle. Rémi Chayé lut avant de se lancer dans l'élaboration du projet, le journal de bord de l'explorateur britannique. Cette influence, en plus de donner un ancrage à la réalité, nous remémore l'époque des grandes explorations, ou l'Homme, bravant les dangers de l'inconnu, repoussait toujours plus loin les limites du monde.


Un récit initiatique, une épopée faite de fortune et de tragique, Tout en haut du monde brasse large, s'aère continuellement, et ce, en resserrant son propos. Il est comme le blizzard, qui souffle perpétuellement en ces latitudes, d'une pureté noble.
Le film est sorti en DVD & BLU-RAY au mois de juin dernier. Gageons que son succès critique et populaire inspire d'autres talents, dotés eux aussi d'une palette de couleur inédite. Ce cinéma d'animation, déclamé de cette manière, et français qui plus est, mérite définitivement qu'on s'y attarde.

Liverbird
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Les meilleurs films de 2016 et Critiques vues

Créée

le 16 janv. 2017

Critique lue 815 fois

28 j'aime

12 commentaires

Liverbird

Écrit par

Critique lue 815 fois

28
12

D'autres avis sur Tout en haut du monde

Tout en haut du monde
Anyore
9

Critique de Tout en haut du monde par Anyore

Tout en haut du monde, premier film de Rémi Chayé, est un film extrêmement réussi. On est là face à une animation très originale et d'une grande beauté, réalisée par des aplats de couleurs...

le 7 févr. 2016

45 j'aime

2

Tout en haut du monde
SBoisse
8

Cap au nord ! Robert Peary, Fredrik Cook, Fridtjof Nansen, Roald Amundsen et Oloukine

Après avoir travaillé sur les très réussis Le Tableau, Brendan et le secret de Kells, Kerity la maison des contes, Rémi Chayé réalise son premier long métrage. Jules Verne aurait pu écrire cette...

le 21 févr. 2016

38 j'aime

3

Tout en haut du monde
Liverbird
8

Entre grand-père et mer

Tout en haut du monde est d'apparence si simple. Dès les premières images, le ton du crayon est donné: le trait effleure plus qu'il ne cisèle. un parti pris formel étonnant, et détonnant, tant...

le 16 janv. 2017

28 j'aime

12

Du même critique

Melancholia
Liverbird
5

Armageddon sous anxiolytique

C'est pas ma came, comme dirait l'autre ... J'ai essayé pourtant, je le jure, en toute bonne fois, sans aprioris sur le bonhomme, curieux de découvrir cet objet tant vanté par les critiques. Mais je...

le 6 mars 2014

93 j'aime

21

Interstellar
Liverbird
9

Une madeleine dans l'espace

Les grands films éclatent les bords de l'écran. ils sont bien trop volumineux pour être contenu dans leurs cadres étriqués, bien trop grandioses pour se contenter de cette pauvre condition. Alors ils...

le 19 nov. 2014

55 j'aime

16

There Will Be Blood
Liverbird
9

Des hommes d'influence

Tout d'abord, There Will Be Blood c'est un prologue. Une immersion au fond d'une mine noire et muette où de roches insondables et compactes provoquent la volonté humaine. La pioche forcenée du...

le 19 juin 2015

51 j'aime

6