All the money in the world avait tout pour rouler tranquille sur les rails du film à oscars, rafler quelques statuettes ici et là et se ranger discrètement sur les étagères de la mémoire collective pour se faire oublier lentement mais surement. C'était sans compter sur la tempête de caca qui s'abattit sur lui, à un mois de la sortie en salles et qui a remis en cause pas mal de choses : Pour commencer, un scandale sexuel retentissant impliquant la tête d'affiche du film, Kevin Spacey qui se suivra de la décision très controversée de supprimer purement et simplement l'acteur du film en commandant en urgence des reshoots et un recast immédiat en la personne de Christopher Plummer (plus quelques incrustations numériques par ci par là). Du coup, c'est toute la campagne marketing du film qui est à revoir, puisque celle-ci était centrée sur Spacey.

Et au budget d'exploser dans l'allégresse et la bonne humeur et de la presse de s'en faire les choux gras : Il s'avère en effet que l'autre star masculine du film Mark Whalberg a perçu un montant substantiel rien que pour les tournages additionnels alors que sa co-star Michelle Williams l'a fait pour des prunes ($1.5 million de dollars contre ... 80 dollars pour Williams). Ca tombe d'autant plus mal qu'Hollywood est en plein ouragan pour faire valoir l'égalité (salariale entre autres) hommes-femmes. La production arguera des clauses précises dans les contrats des acteurs (Williams est engagée contractuellement pour des reshoots alors que Whalberg ne l'était pas). L'acteur fera preuve de bonne foi (moué) en faisant don de son salaire additionnel au profit de l'association Time's Up Movemement (créée justement en réaction des scandales sexuels impliquant des pontes d'Hollywood) et ce, au nom de Michelle Williams. Le film peut ainsi sortir en paix, même si les attentes sont largement revues à la baisse.

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Si un film ne se résume pas à sa production compliquée, il est impossible de ne pas tenir compte des informations citées ci-haut en visionnant All the money in the world, ne serait-ce que pour questionner certains choix initiaux du réalisateur. Ainsi, lorsqu' apparait pour la première fois, le visage et la stature imposante de Christopher Plummer dans les pas du tout puissant Getty Sr. Indéniable point fort du étrange (et peut-être même son seul intérêt), Plummer est tellement imposant et parfait qu'on se demande ce que venait foutre là Kevin Spacey à la base, surtout qu'il aurait été à coup sûr grimé à outrance. Scott, qui n'est pas la moitié d'un connard- y ira de ses déclarations contradictoires en disant que Plummer était son choix initial pour Getty mais que les méchants studios lui avaient imposé le nom plus bankable de Spacey, (alors qu'il disait avoir pensé immédiatement à Spacey dès la lecture du script). Vrai ou faux, il n'en reste pas moins que l'arrivée de Plummer est ce qui pouvait arriver de mieux au film. L'évidence même.

Ce constat en amène vite un autre : Dès que la caméra s'éloigne de l'ogre Getty Sr, All the Money in the world perd beaucoup de sa force. Et puisque Scott décide de raconter son histoire en 2h12, ces moments de relâchement se multiplient. Dès lors, le film n'est jamais aussi bon que lorsqu'il en vient à la moelle même de son scénario : le portrait d'un homme hors normes qui a passé son existence à ramasser sa fortune et dont il devient rapidement l'otage. Le voir rechigner à débourser ses deniers, même pour sauver son petit fils, alors qu'il n'hésite pas à banquer pour une rare œuvre d'art et tout simplement glaçant. La force de ce constat est décuplée lorsque, de l'autre côté, l'on assiste au combat de sa belle fille, interprétée par l'impeccable Michelle Williams, pour ramener son fils. Dès lors, le film semble trouver une voie toute tracée : la confrontation entre ces deux êtres diamétralement opposés pris dans une même tourmente. Du tout bon. Pour le moment.

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Venons-en au problème de All the money in the world (même si le mot est un peu fort). a mesure que la trame nous est déroulé, l'on a vite l'impression qu'il existe deux films parallèles qui se parasitent mutuellement. Celui de la quasi bio du magnat du pétrole mais aussi, le plus problématique, celui de la prise d'otage elle-même. Si elle n'est pas honteuse, elle reste bien trop fade et convenue pour remporter totalement l'adhésion. Un défaut qui est cristallisé en la personne de Mark Whalberg, véritable miscast qui semble se faire encore plus chier que chez Michael Bay. Si l'acteur n'est pas le bourrin que l'on veut nous faire croire -il a été capable de surprendre à plusieurs reprises chez d'autres réalisateurs- il ne semble pas ici à l'aise dans le rôle, certes ingrat et sous écrit, d'un ex agent de la CIA et actuel négociateur de Getty. A l'image, très plan plan de sa prestation, cette seconde partie du film s'embourbe dans les schémas entendus de la prise d'otage, des négociations houleuses, du questionnement moral d'un des kidnappeurs et enfin du retour au bercail du kidnappé. Une partie qui ne semble profiter qu'à Romain Duris, bien trouvé, dans le rôle de Cinquanta, le kidnappeur au grand cœur.

All the money in the world s'avère ainsi être au final un film pépère, ultra classique dans son exécution, ce qui ne veut pas dire qu'il soit bâclé. Ridley Scott reste encore aujourdhui (et à 80 ans) un orfèvre de l'image qui place son métrage très haut dans ce qui se fait dans l'industrie. Dommage qu'il ne possède pas la dimension ludique d'un Steven Spielberg (qui lui, se remet en cause formellement, pratiquement dans
chaque métrage) pour faire de ce film quelque chose de bien équilibré, plus concis et pleinement divertissant.

AtefAttia
6
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le 6 janv. 2019

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Atef Attia

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