Rares sont les réalisateurs ayant eu le courage de s' aventurer sur le terrain de l’euthanasie. Clivant, le sujet du droit à une mort “douce” semble compliqué à aborder, tant par la législation qui l’encadre en France que par son évidente apparence de tabou. En adaptant au cinéma le livre éponyme de la regrettée Emmanuèle Bernheim, François Ozon continue de diversifier sa filmographie. Problème : le réalisateur prend moins de risques que par le passé. La patte du réalisateur perd de sa superbe, victime d’un conformisme qui confère à ses œuvres une simplicité scénaristique devenue presque énervante. À l’image de son Été 85, Ozon soigne l’allure de ses œuvres (une belle photographie, une bande originale agréable et des paysages merveilleux), et… c’est tout. Le synopsis de Tout s’est bien passé nous promet une séance pleine d’émotions, où l’on passe du rire aux larmes et dont on ne sortira pas indifférent. Il n’en est rien. À la limite, on se laisse parfois attendrir par le cynisme d’un magnifique André Dussollier, qui, fort de son expérience, arrive à limiter la casse. Oui, il y a de la casse dans ce film, à l’image de cette prestation apathique de Sophie Marceau, à laquelle on ne croit pas une seule seconde. Sauf mon respect pour le symbole que l’actrice représente, cette dernière semble s’être condamnée par sa manière de jouer à incarner des personnages naïfs et sans envergure. Ainsi, si on lui confie un rôle nécessitant une sincérité quasi-réelle, l’actrice perd immédiatement pied, et l’on se noie avec elle. Quand cette dernière est associée à la toujours correcte Géraldine Pailhas, elle déséquilibre un duo de sœurs qui se veut à priori soudé. Ce dernier, à coup de scènes d’énervement incessamment répétitives, perd vite de sa crédibilité. Dès lors que le film doit avancer, la péripétie se résume toujours à un coup de fil fâcheux, à une porte qui se claque où à l’intervention d’un frère au comportement délétère (Grégory Gadebois). La redondance n’est en plus pas aidée par l’inutilité de certains détails, comme ces quelques flashs backs ou le personnage de Charlotte Rampling qui n’apportent rien de réellement nécessaire au déroulement du scénario.
Si Ozon décide de ne jamais prendre parti explicitement, son film soulève cependant quelques points intéressants quant à la décision de se maintenir ou non en vie. Le réalisateur s’attarde alors sur la notion de choix, tout en évoquant les différents obstacles qui se dressent sur la route de ce droit “naturel”. Derrière la caméra, le parisien représente alors le quotidien de deux partis qui s’opposent. En ça, son traitement de la vieillesse est réussi, tant il inclut le doute et le désoeuvrement. Quand Dussollier s’écrie : “ce n’est plus moi ça”, en parlant de son physique, on se demande si sa vie à encore du sens sans la pleine possession de ses moyens moteurs . Parallèlement, Ozon filme la vie d’une famille épuisée par les caprices du vieil homme. Cette dernière refuse cependant de se résigner totalement, par amour de la vie, par amour tout court. Le dualisme manichéen de cette mise en scène permet à Tout s’est bien passé de conserver un équilibre qui lui maintient la tête hors de l’eau, heureusement.
À travers ce personnage masculin en plein déclin, Ozon aborde aussi la mouvance d’une époque, qui prive ces anciens dominants de remarques misogynes et maladroites. Ces vieux mâles semblent troublés par l’effondrement d’un patriarcat dans lequel ils se sont forgés une carapace. À l’image du Falling de Mortensen ou du The Father de Zeller, tous deux sortis cette année, le cinéma se concentre désormais sur ces vieux messieurs qui n’hésitent pas à rugir où à se montrer violent physiquement pour exprimer leur mécontentement.
Tout n’est pas à jeter quant au propos de ce vingt-troisième long métrage de François Ozon. En revanche, son style ne surprend plus, et ses œuvres perdent de leur superbe, affaiblies par une facilité scénaristique de plus en plus ennuyeuse. Une déception.
4,5/10