Jean-Pascal Zadi est un acteur raté, en tout cas qui galère, ou de seconde zone, plus connu pour quelques vidéos humoristiques (entre l’happening et la déconne) sur les réseaux sociaux qui questionnent à leur façon l’identité noire. Mais JP veut aller plus loin : il veut organiser la première grande marche de contestation de l’homme noir en France. Pour ça, il a besoin du soutien de personnalités influentes de la communauté, principalement celle du showbiz (comiques, chanteurs, acteurs) qu’il s’est mis en tête d’aller démarcher. Par cet enjeu scénaristique initial, Zadi et John Wax entendent démont(r)er toute la complexité d’un communautarisme (le mot même prête à discorde : certains l’approuvent, d’autres le rejettent) fait d’abord de contradictions et de questionnements, et rarement de solutions.


C’est là justement que réside la vraie drôlerie du film, et davantage que dans le défilé de guest stars venues gentiment (Éboué, Tagbo, Sy…), grossièrement (Judor, Guiock, Jean-Baptiste…) ou méchamment (Fary, Kassovitz, Djaïdani…) se moquer d’elles-mêmes : alors que JP, un rien naïf et maladroit, croit à la simplicité de son action, chacune de ses rencontres avec une célébrité va révéler les désaccords autour de cette fameuse «identité noire». Et puisqu’il y a «autant d’identités noires en France que de Noirs», a expliqué Zadi en interview, la tâche de son alter ego s’avère forcément compliquée. Que ce soit auprès de vedettes notoires, de féministes noires ou de militants purs et durs, JP constate que les discours sont multiples et les opinions (très) tranchées, avec comme conséquence la dépossession progressive de son projet (sa teneur, ses participants, sa date).


Même si Zadi et John Wax se défendent d’avoir voulu, en premier lieu, parler de communautarisme, mais plutôt évoquer «le parcours d’un père de famille qui essaie de trouver sa place dans la société», leur mockumentaire met à nu préjugés, dérives et stéréotypes (voir la scène chez Ramzi avec arabes, noirs et juifs réunis) autour de toute logique communautaire (voire du fameux «vivre ensemble»). Dommage que le film finisse par pâtir de son format à sketchs, par essence inégal. Surtout qu’entre chaque scène attendue avec une star prête à déboulonner son image, celles du quotidien de JP, aux prises avec sa conscience professionnelle et les aléas de sa vie personnelle, s’y intercalent mal, créant un déséquilibre rythmique et narratif. Ce qui, très souvent, n’empêche pas la franche rigolade devant tant de dérision et d’engueulades gratinées.


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mymp
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le 14 août 2020

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