Toy Story 4
7.1
Toy Story 4

Long-métrage d'animation de Josh Cooley (2019)

La saga Toy Story est probablement l'une des plus grandes réussites, si ce n'est la réussite qui a participé au bonheur et à la prise de conscience de plusieurs générations d'enfants sur ses 24 années d'existence. Le premier né des légendaires studios Pixar est devenu le joyau immaculé sur lequel brillait toute une succession de films qui apprenaient aux enfants à devenir adultes et aux adultes de ne pas abandonner l'enfant en chacun d'eux. Le phénomène le plus intéressant au sujet de Toy Story est l'évolution du public qu'il a forgé au fil des années comme il a lui-même évolué en 3 films, puisque c'est là son sujet: toute une vie d'enfant vécu sur le long-terme.


L'annonce d'un quatrième film paraît incongru en partant de là. Le public avait vu la fin qui laissait imaginer un cycle infini et joyeux pour tous les jouets s'étant donné la noble tâche de rendre les enfants heureux afin de les aider à traverser les étapes cruciales de leur vie. Que pouvait-il y avoir à raconter de plus après qu'Andy ait cédé ses jouets à Bonnie ?
La réponse à cette question est difficile à trouver et la beauté du geste n'en est que plus grande. Car Toy Story 4 démarre en étant conscient de ce cycle et va remettre en question tout ce qui constitue le fondement de ses trois précédentes aventures tout en les mettant une dernière fois à l'épreuve.


La dure responsabilité de chaque film a été de répondre à la question que le précédent laissait en suspend. Ainsi, Toy Story 2 rappelait à ses personnages que leur vie auprès de l'enfant qu'ils aiment ne sera pas éternel et Toy Story 3 leur faisait vivre la fin de cette vie pour en démarrer une nouvelle. Dans chacun d'eux, nos héros se sont retrouvé à faire le choix entre refuser ou accepter le changement.
Toy Story 4 démarre de façon complètement inédite et même déstabilisante en plaçant les jouets qui nous ont suivi pour l'amour qu'on leur porte prendre pour la première fois des voies différentes pour eux-même. Les personnages les plus importants sont plus que jamais en quête de repère, ne sachant quoi faire sans reposer sur un autre pilier, désemparés devant des choix aux lourds conséquences et des questions où les réponses ne sont pas évidentes à accepter.


Woody qui s'était toujours débrouillé envers et contre tout pour maintenir la cohésion de son groupe voit pour la première fois la perspective de ne plus vivre à travers l'amour d'un enfant mais de vivre pour lui-même. Ses retrouvailles avec la Bergère constituent tout l'apport du film par rapport aux précédents. Cette dernière ayant embrassé un mode de vie plus détachée et individualiste mais plus libre et généreux envers n'importe quel enfant croisant sa route dans une vie en constante évolution contrairement au cycle perpétuel du propriétaire unique que Woody a toujours scrupuleusement suivi.
La possibilité de quitter sa vie avec Andy était évoquée à plusieurs reprises dans la saga mais la réponse avait toujours été évidente, le rendre heureux était tout ce qui comptait, c'est ce pourquoi les jouets existent. La réponse n'a jamais été autre et toutes les autres alternatives n'étaient jamais viables, soient parce qu'elles les éloignaient de leur propriétaire, soit parce qu'elles étaient représentées par des individus moralement belliqueux. Pour la première fois, Woody est confronté à une perspective qu'il serait réellement susceptible de suivre après trois film à refuser l'abandon.


Le film effleure déjà une question existentielle fondamentale dans sa prémisse avec le personnage de Fourchette. Pour la première fois nous avons l'occasion de voir un jouet prendre vie parce qu'un enfant en avait besoin. Et pour la première fois, nous voyons un jouet renier sa propre existence. Trouver le sens de sa vie a toujours été la plus grande préoccupation des protagonistes, et Toy Story 4 se montre brillant dans tous ses instants clés en opposant quelques fois leurs points de vues avant d'apporter une bonne conclusion pour chacune d'entre-elles sans jamais les trahir, autant pour les héros principaux que secondaires.


L'idée de représenter nos héros pouvoir s'affranchir de leurs attaches étaient une idée risquée mais Toy Story 4 surprend constamment par la profondeur de ses dilemmes toujours incertains que par la justesse de leurs issues. Si Fourchette doit accepter d'être ce qu'il est et ce pourquoi il a été conçu, Woody peut de son côté se demander si il est possible pour un jouet de vivre sa propre vie avec son grand amour plutôt que d'exister à travers la procuration de son propriétaire, tandis que Gabby Gabby (la meilleure antagoniste de toute la saga) sur l'autre versant veut vivre pour l'enfant qu'elle a toujours aimé. Avoir inversé les objectifs des deux opposés en concluant cette grande histoire sur Woody acceptant la vie qu'il a toujours refusé au bout de trois films est une action incroyablement forte et significative mais qui rend cette quatrième aventure primordiale dans le développement de tout enfant ayant grandi avec les acquis des trois précédentes.


Accepter la possibilité qu'une autre perspective de vie puisse se présenter à soi après toute une existence passé à en suivre une autre et rappeler que l'évolution est parfois nécessaire. C'est par la beauté de ce final que Toy Story 4 se révèle aussi riche que ses prédécesseurs et même, nécessaire pour compléter ce que les trois premiers films avaient amorcés. A la fois la conclusion insoupçonnée mais la conclusion supplémentaire dont nous avions besoin.


Même si l'une des meilleures sagas de tous les temps est terminée, Pixar continuera à nous émerveiller pour l'infinie et au-delà...

Housecoat
9
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le 23 juin 2019

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Housecoat

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