Voilà un film qui passe totalement à côté de son sujet. Le parcours initiatique initial, aux confins de la solitude et du rapport animal, sa seule et unique compagnie sociale et source de communication, est traité par-dessus la jambe. Des mois de pénitence silencieuse au milieu de nulle part condensés en une poignée de scènes agitées, pleines de monde, bruyantes, voire complètement improbables. Des pensées de la protagoniste, de son ressenti profond, de sa réalisation personnelle, on ne saura rien. Un trou béant scénaristique baigné dans une musique continue de piano lent et inapproprié.

Les animaux qui l'accompagnent sont traités comme des outils et le peu d'animaux sauvages sont tous morts, sans exception. Pire ! Certains sont tués par la protagoniste elle-même... Dans cette quête de l'humain, on se retrouve alors aux portes de la déshumanisation. Les quelques aborigènes, témoins ancestraux de cette terre qu'elle foule sans conscience (et qu'elle reconnaît pourtant comme sacrée), sont dépeints sous un jour colonialiste sordide, offrant une danse à Robyn comme un spectacle d'un autre temps. Son guide autochtone sera lui aussi relégué au rang de faire-valoir un peu comique.

D'un point de vue technique, le film enchaîne quelques plans panoramiques de 3 secondes maximum, toujours centrés sur le personnage et qualitativement très en-dessous de ce qu'offre, par exemple... Un documentaire du National Geographic. Ici, l'horizon est aussi bouché que l'esprit de son héroïne. En l'absence de profondeur, le scénario tente des coups de suspens qui tombent à l'eau. Elle perd sa boussole mais la retrouve. Elle se perd mais pas longtemps. Elle n'a pas de guide mais finalement si. Son chien est très fatigué mais il s'en sort. Le seul drame étant la mort de ce dernier, qui sera le bête sacrifice convenu d'un périple aux allures de croisière pour Occidentale capricieuse.

Au final, c'est un très beau film pour seulement 2 minutes, à la fin, durant lesquelles on voit quelques vrais clichés de la vraie Robyn. Des photos touchantes où l'on réalise toute la complicité avec ses animaux qu'elle n'a jamais eue dans le film, tous les échanges avec les aborigènes, les soirées passées devant le feu, le regard dans le vide, l'esprit bien loin des cieux étoilés extraordinaires qu'elle doit contempler chaque nuit et qu'à aucun moment on n'apercevra dans ce film...

"Un bon kangourou est un kangourou mort", pourrait-on traduire la farouche ténacité du scénariste à les voir tous mordre la poussière. Entre colonialisme douteux, anthropocentrisme indécent et traitement malsain de l'animal, ce film est dangereux et, tout au moins, réactionnaire et déshumanisant.
49Days
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le 26 août 2014

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Fortynine Days

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