Non, les machines ne peuvent pas tout.
Je suis assez circonspecte face à ce film. L'idée de départ est bonne à mon sens, et soulève pas mal de questions. On se retrouve donc embarqué dans un micro-conflit facilement transposable à tout un chacun : d'un côté, les pro-technologies, ceux qui possèdent l'intime conviction que les technologies seront à même de résoudre tous les problèmes inhérents aux défauts de l'humanité d'ici quelques années, siècles, millénaires. Je parle ici de défauts dans la mesure où à terme, si on ne se leurre pas, le but est bel est bien d'accéder à une forme d'immortalité (ici le titre du film fait largement écho aux transhumanistes). Ce qui est à venir donc nous permettrait de corriger maladies survenues inopportunément, handicaps, pollution, disparition d'une bonne partie de la faune et de la flore, et j'en passe. Croyance quasi religieuse au fond, mais en vrai, c'est "scientifique". Puisqu'on vous le dit !
Nos deux personnages principaux, mariés, scientifiques de leur état sont donc intimement convaincus que leurs travaux contribueront à un monde meilleur, et surtout, pour reprendre le postulat de départ que la technologie peut tout. La technologie, tellement avancée qu'elle permettra à Evelyn Caster de télécharger la conscience de son mari sur un ordinateur, dans un aveuglement lié à la douleur de la perte d'un être cher.
De l'autre-côté, on a un groupuscule de "terroristes" (le vocabulaire n'est jamais anodin) qui trouvent que, décidément, cette présomption de l'homme sur la nature avec la gâchette de la technologie va décidément trop loin. Voulant mettre un terme à toutes ces recherches, ces terroristes tentent par plusieurs attentats de stopper l'avancée des recherches de nos protagonistes et de leurs collègues. Les grands méchants, contre toute forme de progrès. Etrange pour des américains.
Effrayée par cette mise en scène, je m'attendais à voir une apologie du "résolvons nos problèmes avec le progrès !". Le film m'a quelque peu rassurée à la moitié, pour finalement retomber dans l'imbécilité du départ en nous faisant croire que, de toute façon, les méchants n'ont rien compris : bien sûr qu'on peut tout arranger, tous les problèmes de la vie, de la planète bleue, si seulement il suffisait d'y croire. C'est le serpent qui se mord la queue : à trop se reposer sur une idée fumeuse du progrès, on en vient au versant contraire qui confère à l'aveuglement. Et comme personne n'a écouté, la panne mondiale d'électricité vient nous dire "bien fait". Si vous n'aviez pas empêché le progrès, l'avènement d'un super-esprit, vous auriez peut-être encore votre petit confort. C'est à se taper la tête contre un mur...
Les incohérences du film prouvent d'elle-mêmes à quel point cet idéal d'homme-machine est irréalisable, inconcevable. Comment expliquer qu'une personne arrive à télécharger la conscience d'une autre en deux mois sur un ordinateur quand un autre auparavant a mis des années pour pouvoir le faire avec le cerveau d'un singe ? Comment expliquer également que cette conscience, ce "super-esprit" arrive à utiliser les nanotechnologies pour faire ressusciter des morts en un claquement de doigts ? Et comment peut-il se créer un corps physique, comme ça, à partir de rien ?
Le film a peu d'atouts, à part son super casting, ses effets spéciaux plutôt bien réalisés ainsi que ses idées de départ. Voir un être rempli d'idéaux accéder à une forme d'immortalité, se demander comment avec tout ce pouvoir il peut procéder, voilà une idée intéressante. Il est dommage de constater que l'idéologie plus que douteuse qui sous-tend tout le long métrage le fait tomber totalement à côté de la plaque, là où une réflexion beaucoup plus intéressante aurait pu être amenée.