Nous avions laissé, il y a maintenant six ans, Nanni Moretti avec les questionnements existentiels d'une cinéaste quinquagénaire en proie au doute. On le retrouve avec "Tre Piani", un film foutraque et au scénario semblant bâclé, non abouti.
Le film a été ovationné pendant quelques huit minutes lors de sa projection au Festival de Cannes ce qui m'incite à penser que les standing-ovation sont systématiques et pas forcément méritées.
Désormais que "Tre Piani" est sorti dans les salles françaises, que vaut-il réellement et faut-il se déplacer pour aller le voir ?


Je tiens à préciser que je suis habituellement une adepte du cinéma de Moretti et me faisais une joie de voir son dernier projet. Mais contrairement à "Mia Madre" ou "Habemus Papam" qui m'avaient enthousiasmé grâce à des choix de mise en scène originaux (je pense à l'utilisation de "Famous Blue Raincoat" de Léonard Cohen qui plonge l'héroïne dans les confins de sa mémoire ou bien à la partie de handball entre ecclésiastiques), je n'ai pas retrouvé le style inimitable de Moretti et ai vu à la place un film désincarné, sans identité propre. En somme un simple film de commande.


Malgré quelques moments où germent des idées intéressantes, le film est un mélodrame lisse, sans fioritures, son scénario est ennuyeux et de nombreux mauvais choix de mise en scène font grincer des dents voire consternent.
Au final, le problème du film, c'est que la structure de son scénario est déséquilibrée et, lorsque sonne la fin, on se demande « Tout ça pour ça ? ».


Chacune des histoires racontées est suffisamment forte pour être présentée isolément, mais en optant pour un amas de récits, Moretti finit par se perdre lorsqu'il s'agit de lancer, développer et conclure des situations conflictuelles.
Pendant les dix années où nous suivons des personnages qui doivent tant bien que mal gérer leurs drames personnels, le temps ne semblent pas avoir d'impact sur eux. Quasiment pas de changement dans leurs comportements, ni de conséquences notables sur leur vie. Le film pourrait se dérouler en trois jours et l'effet serait le même. Pire, en plus de ne pas vraiment sentir le temps changer et affecter ces personnes, au point de croire que les acteurs répètent des répliques et ne jouent pas, le plus gros problème est que certaines de ces histoires, sans raison apparente, prédominent sur d'autres.


Le comportement des personnages, qui dans l'un de ces « drames quotidiens » est représenté avec une placidité et une apathie inexplicables. On ne sait pas si c'est le choix du réalisateur ou la maladresse des acteurs ou le monteur qui a choisi les pires prises pour chaque plan. Ce manque de vraisemblance avec le réel finit par affecter encore plus une histoire qui semble déjà perdue.


J'ignore si c'est un atout de ne pas sentir avec certitude ce que le réalisateur veut signifier avec un film, le "message" qu'il veut passer, ses intentions.
Pour finir avec une note positive, je dois admettre que les premiers instants du film, dans lesquels on assiste à un accident de voiture ultra réaliste, sont le point culminant de "Tre Piani" et une excellente introduction aux personnages et à leurs conflits. Nous pensons que le crochet a été lancé pour un conflit qui interconnectera ces personnages et les forcera à se confronter et à changer au cours de cette confrontation. C'est dommage que non seulement ça n'arrive pas, car le film ne retrouve jamais ce sentiment de vitalité, de dynamisme.


Au final, on est face à un mélodrame avec quelques bonnes idées mais qui sont généralement inoffensives, plates.
Au fur et à mesure que le temps s'écoule, on se demande « Qu'est-ce qu'on a retenu de ces histoires ?"
Malheureusement, rien d'autre que l'idée que le film promettait plus mais a peu à offrir.

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le 11 nov. 2021

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