Krzysztof Kieslowski réalisa son dernier film en 1994 peu avant sa mort. Mais rien ne laisse paraître de l’état de santé du réalisateur dans son ultime chef d’œuvre, synthèse de son oeuvre, hymne à la vie, l’amour et la fraternité.
Cela a commencé par une idée saugrenue : Pour une trilogie, les trois couleurs du drapeau français et les valeurs maçonniques et trompeuses s’y rattachant. Mais comme tout à chacun le réalisateur va les réinterpréter et les transcender avec toute son humanité slave et catholique contre le monde moderne chaotique.
Il y a eu le fantastique Bleu, couleur froide, celle du repli sur soi et du refus des autres suite à la perte tragique d’un mari et d’un enfant. Bleu comme une liberté devenue inhumaine parce qu'elle se voulait se réaliser en se coupant des autres.
Il y a eu Blanc comme un rêve d'égalité.
Et puis, vint Rouge! Rouge comme la fraternité. Rouge comme l'amour. Rouge, le plus beau de cette superbe trilogie. Le plus beau du réalisateur tout simplement, parce qu'il contient toutes les réponses aux questions posées, douloureusement dans Bleu, ironiquement dans Blanc. Rouge est un film apaisé, le credo de Kieslowski.
Le personnage de Valentine, interprétée par Irène Jacob, son actrice fétiche, n’y est pas pour rien dans la réussite de cette conclusion. Encore plus que dans la double vie de véronique, l’actrice devient l’incarnation de l’idéal féminin du réalisateur. Une femme remplie d’une foi simple et éclatante. K.K. n’a pas besoin de faire naître dans la bouche de son personnage des mots empruntés à une foi spécifique pour que l’être entier de Valentine vibre d’une vivacité inouïe que rien n’émousse.
Elle connait déjà ou bien va rencontrer ses contraires : l’amoureux absent et jaloux, le séducteur cynique, le vieillard aigri…Son envie de vivre pleinement et en toute vérité est comme une force qui la détourne des chemins de mauvaise fortune et la fait transmuer des êtres âpres et amers en des personnes qui semblent comme renaître à la vie après leurs infortunes destinés.
Il y a une ambiguïté dans ce film qui reprend deux thèmes chers à K.K :
Le hasard. Comme dans son film éponyme, l’être est tout entier soumis aux déconvenues que la fortune lui impose ou non.
Le destin. Comme si certains êtres étaient plus vivants que les autres et qu’une force mystérieuse les animant leur permettait de tromper la mauvaise fortune et de soulever des montagnes.
Dans les deux précédents opus, les protagonistes, victimes du hasard, baissaient les bras et acceptaient en quelque sorte de vivre en dehors ou à côté de la vie. Et il fallait encore attendre un événement extérieur à eux-mêmes pour les aider à sortir d’une certaine torpeur.
Valentine, elle, court à toute allure dans la vie et sans se retourner. Ainsi elle entraîne avec elle dans son élan des êtres qui avaient arrêté d’avoir foi en eux ou en autre chose. Parfois en les frôlant, en les croisant ou les confrontant face à face, des êtres qui vont jouer un grand rôle dans sa vie. Au vu et au su du juge qu’elle rencontre, ou à l’insu d’autres protagonistes, leurs destinés vont changer ou trouver un échappatoire.
La vision du hasard de K.K. change alors de nature car c’est comme si des forces spirituels intérieurs et extérieurs aux êtres qui filaient le destin des hommes.
Les trois parques n’apparaissent pas dans le film, mais des fils que tous tissent s’enchevêtrent pour former une filature dont le motif final est ignoré par les protagonistes mais se dévoile sous les yeux des spectateurs.
K.K. enchevêtre même les trois films ensemble par de petits scènes communes, aperçues de différents points de vues, qui trouveront avec maestria leur conclusion apocalyptique à la fin de ce troisième opus.

mozartien
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le 6 déc. 2014

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