Nous voilà face à la conclusion à la fois de la trilogie des Trois Couleurs et de la filmographie de Kieslowski. Certes, cette dernière conclusion est l'oeuvre tragique du destin. Mais on peut quand même se demander si la fameuse règle du "last but not the least" s'applique ici.
Déjà, premier bon point, les personnages-clé de l'histoire sont très attachants. Valentine, cette protagoniste douce et innocente comme un enfant, bien que forte et déterminée. Le juge, en premier lieu assez dérangé, puis apparemment dangereux, se révèle comme une figure désenchantée de la vie. En cela il s'oppose en tous points à l'enchantement, presque à la naïveté de Valentine.
Le monde présenté n'est bien sûr pas réaliste, ni rationnel. L'étudiante mannequin à qui tout réussit et le vieux rabougri déçu de la vie, c'est un peu gros. Surtout la tournure des évènements où le hasard ressemble plus à des gros coups de main qu'à des coups de pouce du destin, et encore plus la fin (dont je ne parlerai pas, mais qui conclut de façon très audacieuse et surprenante cette trilogie).
Mais le tout fait preuve d'une certaine cohérence, et même d'une forme de crédibilité. On y croit.
Le jeu d'Irène Jacob, bien qu'au premier abord assez faux (c'est ce que j'ai senti en tous cas), dégage au final une certaine fraîcheur qui permet au film d'être si plaisant. On a envie d'y rester, on s'attache progressivement à Valentine et on n'a pas envie de la quitter. La découverte de la personnalité assez spéciale du juge et de son jeu d'espionnage sont d'ailleurs autant de petits éléments qui permettent au film d'être si jouissif par moments.
La photographie est très soignée. On a de très beaux plans, et une atmosphère très 90's et décalée qui s'en dégage. Cela de par le dynamisme du montage et quelques mouvements de caméra toujours très bien pensés, toujours porteurs de sens.
La couleur rouge est bien portée par le film dans le sens où c'est bien le plus chaleureux de la trilogie, le rouge étant une couleur chaude. Il peut toutefois surprendre étant donné que le film fasse preuve d'une forme de douceur qu'il n'y a pas dans les précédents volets, et qui contraste avec l'agressivité habituelle du rouge.
Comme le laissait déjà supposer l'excellente introduction, le téléphone est au coeur de Rouge, il est ce qui lie Valentine avec ses proches, il est ce qui occupe les longues journées du juge, il est ce qui permet beaucoup d'interactions entre les personnages. Et c'est cette façon de voir les relations entre les gens qui est la plus proche justement des relations humaines d'aujourd'hui. Non pas qu'il n'y ait que ça, bien sûr, mais cette présence marquée du téléphone permet de donner aux relations dans Rouge plus de pertinence quant au monde actuel.
Rouge conclut à merveille la trilogie des Trois couleurs. Bien que Bleu est à peu près égal en terme de qualité, il est des trois films celui qui illustre le mieux, et sublime avec brio, cette idée du hasard plus ou moins présente dans toute la trilogie. Ce hasard qui va amener une rencontre entre deux êtres que tout opposait, ce hasard qui par petits coups de fortune va transformer, du moins changer la vie de Valentine.