En soi, Trois souvenirs de ma jeunesse est un bon film. Découpé en trois chapitres, donc le second qui se regarde comme un petit film d'espionnage politique assez excitant, il permet de renouer avec l'écriture élégante de Desplechin, ses personnages complexes et enflammés, son approche de l'intime comme vecteur du rapport au monde.
Mais Trois souvenirs de ma jeunesse est également un objet hybride, tout à la fois suite, prequel et reboot de Comment je me suis disputé... (ma vie sexuelle), et c'est sur ce plan qu'il est décevant (les dialogues, notamment, n'offrent cette fois plus aucune plage culte) et déconcertant.
D'un côté, il est agréable de découvrir les premiers pas de la relation Paul/Esther, fil rouge de Comment je me suis disputé..., et de reconnaître dans ces adolescents passionnés les amants torturés qui se déchirent adultes dans le film de 1996.
D'un autre, cette "suite" multiformes ne cesse de proposer des échos maladroits à son prédécesseur, accumulant anachronismes et contradictions.
Ainsi, Comment je me suis disputé... démarre avec Paul racontant avec malice une anecdote survenue lorsqu'il avait onze ans, époque où il n'avait qu'à déplorer un cadre de vie ennuyeux et petit bourgeois, avec un père qu'il décrit comme étant lâche et timoré et une mère tout juste castratrice envers son mari. Mais dans Trois souvenirs de ma jeunesse, le premier chapitre, dédié à l'enfance de Paul, raconte qu'à onze ans Paul était un enfant battu par son père et terrorisé par une mère folle qui se suicide cette année-là.
Aussi : comment Paul pourrait-il regarder à 19 ans le mur de Berlin tomber à la télé alors qu'il a 29 ans dans le 1995 de Comment je me suis disputé... ?
On pourrait donc parler du second chapitre d'un livre qui s'apprécie si l'on oublie qu'on a lu le premier mais qui, dans la continuité, trouble en ce qu'il semble réécrire l'histoire en voulant la poursuivre et la compléter.