Robert Aldrich signe avec Too Late the Hero un film de guerre qui gagne en intensité ce qu'il perd en originalité. Dans le contexte du conflit ouvert de la Seconde Guerre Mondiale, une île des Phillipines se voit divisée en trois parties : celle occupée à l'extrémité sud par les britanniques, la pointe nord accueillant la base japonaise, et enfin, majestueusement millénaire plantée au coeur de l'île, la jungle qui refoule autant qu'elle dissimule l'Homme.

A la base britanique est affrété un lieutenant américain supposé parler japonais afin de se voir confier une mission d'une extrême importance par le commandant de la base campé par Harry Andrews (que l'on reconnaitra comme le charismatique et sévère commandant du camp de prisonniers de The Hill de Lumet). Ce lieutenant de la NAVY (Cliff Robertson) est alors assigné à une sorte de mission suicide destinée à faire exploser le relai radio ennemi, au coeur de leur camp. A mission suicide, commando de choc, et quel commando ! Plus flegmatiques et moins volontaires tu meurs ! Démotivés, râleurs, indisciplinés, on pourrait presque croire en La 7ème Compagnie version britannique... Non, j'exagère. Mais il est vrai que l'on s'attendait plus à un commando de forcenés qu'à de simples soldats rechignant à la tâche.

Mais c'est peut-être là tout le talent de Aldrich dans ce film. Montrer que les héros de guerre ne sont ni des Rambo ni des super-héros, mais de simples gamins, souvent, ou soldats plus aguerris mais sans pour autant ne jamais être plus que des hommes. Ce commando incongru s'aventure donc vaille que vaille au coeur de la jungle après s'être fait quelques frayeurs lors du passage de la fameuse immense plaine séparant le camp britannique de la jungle inquiétante. Rien de plus idoine qu'un tel endroit pour le tir au pigeon-à-deux-jambes, et parvenir à l'orée de la dense végétation sans ouïr le moindre coup de feu fut un soulagement pour tous. Mais dès la première halte, une patrouille japonaise se fait entendre, sonnant le glas de tout repos et le début des ennuis...

Concernant les personnages, l'on retiendra surtout le lieutenant Lawson, incarnation parfaite de l'anti-héros attachant du fait de son caractère et de sa personnalité flegmatique, ainsi que le soldat Thompson (Michael Caine), idéaliste et courageux, deux figures qui tiennent de bout en bout l'épopée funèbre de ce commando envoyé en mission suicide. Le reste du casting tient bien la route malgré la difficulté du sentier (végétation dense, vous comprenez...), et l'humour complaisant de certains dialogues et situations tire parfois les lèvres vers le haut de notre "minois". La compagnie de ce "commando" en ressort ma foi plutôt agréable, retrouvant parmi la clique le chef de patrouille amoral, les pleutres, le faux héros (Lawson), le fou et l'homme d'honneur (Thompson). En revanche, ne comptez pas sur Henry Fonda pour égayer les deux bonnes heures du film, celui-ci ne faisant son apparition qu'au cours d'une seule et unique scène.

Too Late The Hero se pose comme un prélude à la fameuse tragédie de Pearl Harbor dont je vous tairai les éléments du film afin de ne rien gâcher. Une manière bien différente de soulever maintes questions, comme l'attentisme des forces britanniques et américaines qui ne voyaient en le Japon qu'un pion innoffensif de l'Allemagne nazie, l'intérêt de nombreuses situations conflictuelles en temps de guerre -Aldrich insiste sur l'utilité discutable de maintenir ce conflit sur cette île, entre multiples attaque-défense futiles-, tout en rappelant que, peu importe pour qui, ceux qui meurent pour et dans la guerre meurent, et l'avenir de leur nation ne sera pas plus ensoleillé avec ou sans eux. Too Late The Hero, ou l'importance de la vie d'un homme-soldat dans un conflit international. Autrement dit crûment, aucune.

Ah, et n'oublions pas l"excellente surprise du lieutenant Lawson parlant japonais...

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le 5 oct. 2012

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Taurusel

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