Tropical malady est un film en deux parties. La première est réaliste, et décrit une romance entre deux hommes dans la campagne thaïlandaise. La seconde devient fantastique : l'un des deux devient un fantôme, perd son humanité, se change en tigre. L'autre essaie de le retrouver.
C'est un film lent, avec de beaux plans fixes, qui peuvent sembler gratuits mais bâtissent une atmosphère unique. Il faut dire que l'environnement thaïlandais, filmé de main de maître, est particulièrement dépaysant : les villes un peu miteuses, la campagne où explose les sensations, la végétation luxuriante. Dès la première scène, on est happé : un groupe de soldats prennent des photos auprès d'un cadavre nu dans un champ à l'herbe dorée, caressée par le vent. Image digne de Van Gogh, sublime.
La forêt tropicale, avec ses arbres hauts qui se font concurrence, le bruit omniprésent des grillons, des insectes, est au coeur du film. Les plans d'eau à contrejour, sur lesquels se découpent des silhouettes huileuses, rendent bien l'atmosphère tropicale. Il y a aussi de brèves allusions à la déforestation, à l'industrialisation.
Dans la première partie, la romance gay est traitée avec un mélange de pudeur et de brusque explosion de sensualité. Le film dégage une charge homoérotique asiatique, très particulière.
D'un point de vue formel, c'est d'une richesse incroyable. Il y a parfois de courts travellings avant, qui marquent un moment de changement dans la conscience du personnage. Et d'étranges lense flare quand ils sortent de chez le vétérinaire. Il y a aussi beaucoup de jeux sur le clair-obscur, la surexposition, les lumières qui caressent une silhouette se découpant dans la nuit, ne s'accrochant qu'aux traits saillants d'un visage.
Le travail sur les ambiances sonores est parfait. A noter une bande-son un peu pop qui fait parfois irruption, de manière un peu gratuite.
Voici rapidement le synopsis.
Keng, un jeune soldat de la patrouille forestière 21, traîne dans les rues de Bangkok, à la recherche de satisfaction sexuelle. Il rencontre Tong, qui travaille dans une fabrique où il découpe de la glace. En rentrant en camion, de nuit, il trouve sa chienne allongée sur la route. Mais sur les plans suivants, elle semble aller mieux. Une radio révèle une tumeur cancéreuse au pancréas.
Au cinéma, Keng remonte avec sa main la jambe de Tong. Ils se disent des mots tendres, assis sur la terrasse couverte de la maison de campagne de leurs parents. Une vendeuse de fleurs leur raconte une parabole sur la cupidité, puis leur fait visiter une grotte mystérieuse. lls ont des jeux sensuels.
On enchaine sur une histoire, "La voie de l'esprit" : un chaman a le pouvoir de se changer en tigre. On voit Keng suivre la trace d'un animal, dont les empreintes deviennent humaines. De nuit, il fouille la jungle avec sa torche. Tong, nu dans la jungle, est fasciné par la radio de Keng. Il est revenu à l'état sauvage : quand Keng le voit, le fantôme s'enfuit, fait volte-face, l'assomme et le jette dans un ravin. Keng survit, tombe sur une vache horriblement dévorée. Un singe lui dit que le tigre le suit, par faim et par solitude. Keng fait le singe pour essayer d'approcher son nouveau compagnon. La nuit, il tire sur une bête, mais c'est une vache. Il voit un arbre inondé de lumière, suit le fantôme de la vache, qu'il perd de vue, se met à marcher à quatre pattes. Tombe nez à truffe avec le tigre, monté sur une branche. Il accepte que la créature prenne son âme et ses souvenirs.